Les (télé)films de Noël : du love, du kitsch et un happy end

« La princesse de Chicago », « A Christmas Prince », « P.S : Joyeux Noël », « The Noel Diary », etc. Chaque hiver, les chaines de télévision et Netflix nous propose un florilège de (télé)films de Noël. C’est so ringard mais on adore les regarder sous un plaid en buvant un chocolat chaud ou un thé fumant.

Le pitch ?  Un·e jeune héros·ïne qui ne croit pas ou plus en l’amour, en Noël, qui a perdu un·e membre de sa famille ou son travail, rentre dans sa petite bourgade natale. Il y a de la neige, des décorations de Noël à gogo, des auberges à rénover ou des librairies à sauver de la faillite. Evidemment, il y a les retrouvailles émouvantes avec l’amour de jeunesse (ou un·e voisin·e revenu·e d’un voyage humanitaire en Afrique du Sud) et quelques petites péripéties. Pour terminer, on a un happy end merveilleux où ils s’aimèrent et firent beaucoup d’enfant. Bref, il n’y a aucune surprise tout du long et on sait toujours comment le film va se terminer. C’est souvent mal joué, un peu naze mais tellement réconfortant.

Depuis les années 90, les téléfilms de Noël, également connus sous le nom de « Christmas movies » ou «  Hallmark movies », sont devenus un genre cinématographique très populaire. Leur petit budget font que des chaînes comme Hallmark Channel, Lifetime et Netflix n’hésitent pas à en produire un grand nombre chaque année. Hallmark Channel est donc passée à une vingtaine vers 2015 pour atteindre en 2019 les quarante téléfilms inédits par an. Si vous vous demandiez comment TF1 pouvait diffuser autant de films, vous avez la réponse…

Pourquoi succombe-t-on aux (télé)films de Noël ?

Les films de Noël ont le scénario parfait pour réchauffer nos petits cœurs grisés par le froid. Ils offrent un sentiment de réconfort car ils sont thérapeutiques. Les personnages sont humains et attachants. Leurs blessures font écho aux nôtres. Du coup, on a envie qu’iels guérissent ou qu’iels trouvent un sens à leur vie. En 2021, la psychologue FSP Adèle Zufferey acquiesçait « Ce genre de contenu stimule l’activation cérébrale des zones de récompense, la même zone activée au contact de drogues ou de sucre. Elle est extrêmement sensible aux stimuli extérieurs pouvant nous apporter du bien-être. Par exemple, lorsqu’on a passé une journée difficile, on se dira peut-être qu’on va se “consoler” avec l’un de ces films ». Ils mettent en scène des histoires simples, avec des personnages principaux qui font face à des défis, mais qui finissent par trouver le bonheur et l’amour à la fin.

De plus, certains films comme les traditionnels « Love Actually » et « Maman, j’ai raté l’avion » plongent les téléspectateurs.trices dans la nostalgie. Selon Évelyne Dillenseger, psychanalyste et experte en thérapie de couple, interrogée par le Huffington Post, la réponse est liée à la période de l’année. « On a envie de cocooning. On a envie de réconfort, de chaleur. Les feel good movies, comme on les appelle, nous détendent, » explique-t-elle.

Ils comblent également le temps. Il n’est pas rare de passer un dimanche sous le plaid à regarder un, deux voire trois téléfilms de Noël. On se souvient rarement des titres et des détails car les histoires sont interchangeables. Certain·e·s trouvent ça lassant mais la répétition peut offrir un confort cognitif en réduisant la charge mentale liée à la nouveauté. Les scénarios simples demandent moins d’efforts cognitifs. D’un film à l’autre, les personnages se ressemblent et permettent une authentification plus forte.

Sommes-nous naïves d’aimer les nanars et les flocons de neige ?

Ils sont notre plaisir coupable qui transcende sans aucun doute les frontières du bon goût cinématographique. Avec leur scénario improbable, leurs effets spéciaux douteux et leur florilège de clichés, ces films mettent peut-être en exerce notre capacité à trouver de la beauté dans l’imperfection, à embrasser l’authenticité plutôt que la perfection. Qui sait ? Selon Kevyan Sarkosh, professeur de littérature comparée et post-doctorant au Max Planck Institut for Empirical Aesthetics, « pour des cinéphiles de ce genre, les films poubelles sont une parenthèse appréciable du cinéma mainstream. Ils sont intéressés par un large éventail de formes artistiques qui dépassent les frontières de la “bonne” et de la pop culture ». A l’instar de la télé-réalité, vous regardez donc sans doute des téléfilms de Noël car vous êtes ouvert·e·s d’esprit.

Mais soyons honnêtes : ces films sont aussi de grandes campagnes de propagande pour les valeurs traditionnelles américaines et le patriarcat. Il s’agit souvent d’une héroïne trentenaire, indépendante, ambitieuse et carriériste qui finit par tout plaquer pour s’installer à la campagne avec son fiancé pour élever leurs enfants.  « D’un côté, cela offre une forme d’optimisme et de bien-être, mais de l’autre, les schémas présentés peuvent contenir des éléments toxiques, balayés par le fait que tous les personnages sont heureux à la fin, » nuance Adèle Zufferey.

Les romances sont édulcorées, parfois idéalisées et peuvent créer des attentes irréalistes. Il faut donc garder à l’esprit que c’est du cinéma et que la réalité n’a malheureusement pas le goût de sucre d’orge. En garde ! Personne n’a envie d’une dépression pour commencer la nouvelle année.

Entre Saintetés et clichés

Hallmark Channel a été fondée en 1984 et appartient à Crown Media Holdings, également propriétaire de l’entreprise de cartes de vœux Hallmark (créée en 1910 dans le Missouri). A l’origine, Hallmark était une chaîne de télévision profondément religieuse. Les films continuent donc de transmettre des valeurs morales chrétiennes et sont peu enclin à la diversité. Le film de Noël classique met en scène des personnages cis, blancs, hétéros, minces, beaux et à la dentition parfaite. Il existe des exceptions (« Que souffle la romance » ou encore « Ma belle-famille, Noël et moi ») mais la majorité des productions présente le même modèle. Les jeunes hétéros sont apparemment les seul·es à fêter Noël chaque année.

Les téléfilms de Noël produits par Hallmark suivent scrupuleusement un ensemble de directives très spécifiques. Comme l’ont révélé deux scénaristes au magazine Entertainment Weekly en 2018, la marque reste inflexible sur trois règles précises auxquelles elle ne déroge jamais. Tout d’abord, il faut de la neige. Ensuite, il faut inclure des activités spécifiques à Noël (fabrication de couronne de Noël, baiser sous le gui, concours de bonhomme de neige, balade en calèche etc.). Enfin, il ne doit y avoir aucune agressivité ou méchanceté. Tout le monde est gentil et attentionné. Il faut d’ailleurs reconnaitre que l’amoureux transis est souvent le gendre idéal qui n’hésite pas à s’engager (ce qui de nos jours n’est pas toujours facile à trouver).

Chez nicol.e, on ne doute pas du recul que vous avez pour vous dire que ça n’a rien à voir avec la réalité mais seulement voilà, ces téléfilms de Noël sont aussi destinés à des enfants, des adolescent·es sans les clés nécessaires pour faire la part des choses. En 2023, véhiculer ce schéma unique de bonheur est dépassé et on aimerait bien voir un vent de modernité souffler en 2024. Rassurez-vous, regarder des films de Noël cucul ne fait pas de vous une mauvaise féministe mais vous savez ce qu’il vous reste à demander au Père Noël…

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