L’horreur au féminin

Un hurlement strident qui retentit dans la nuit. Une ombre sanguinaire et psychopathe. Difficile de passer à côté : si vous êtes un.e fan du genre, vous avez sans doute remarqué que beaucoup de grands classiques de l’horreur ont une femme comme personnage principale à l’instar de Sidney Prescott dans Scream, Ellen Ripley dans Alien, Laurie Strode dans Halloween ou encore Carrie White dans Carrie. Du cliché de la jolie adolescente hurlante à l’héroïne qui se bat pour sauver ses fesses, en passant par la créature maléfique, les rôles féminins dans les films d’horreur ont beaucoup évolué ces dernières années. nicol.e vous aide à célébrer Halloween et décrypte pour vous le phénomène.

Le genre de l’horreur au cinéma existe depuis longtemps. La définition précise du « film d’horreur » est parfois sujette à débat mais les théoriciens s’accordent sur « l’apparition fréquente d’un monstre qui bouleverse l’ordre établi ». Au XIXe siècle, les films étaient souvent projetés dans le cadre de ce que l’on appelle le « cinéma des attractions ». Il s’agissait de courts-métrages visant à provoquer des réactions vives comme l’effroi, la surprise ou le stress. Plus tard, au début du XXe siècle, le genre de l’horreur a commencé à évoluer vers des récits plus élaborés où la narration prend une part plus importante. Les années 1930 et 1940 marquent l’âge d’or avec des classiques tels que « Dracula » (1931) ou « Frankenstein » (1931). Les années 70 sont prolifiques pour le genre car il est considéré comme potentiellement rentables car les couts sont faibles pour un succès commercial d’envergure. Au cours du temps, le cinéma d’horreur a connu diverses évolutions et sous-genres. Il continue à évoluer et à s’adapter aux époques et aux sensibilités changeantes, tout en restant un élément important du paysage cinématographique (surtout les soirs d’Halloween héhé).

Une histoire de femmes

La place des femmes dans les films d’horreur a évolué au fil du temps, reflétant les changements dans la société et dans l’industrie cinématographique. Les femmes misent en scène dans les premiers films d’horreur étaient souvent des personnages passives et sommaires, représentées comme des victimes terrorisées par des personnages masculins ou des créatures démoniaques. Dans les années 30, la femme continue d’être cantonnée au rôle de victime et de personnage secondaire. On peut y voir une allégorie de la femme au foyer qui n’a d’autre rôle que de faire à manger et de s’occuper de sa famille.

Son statut de simple victime change dans les années 60 et acquiert une plus grande place dans le récit horrifique. Les personnages féminins s’étoffent tandis que les personnages masculins perdent de l’importance. C’est l’époque de l’avènement des mouvements féministes et de la révolution sexuelle aux États-Unis. La femme à la sexualité libérée fait peur. Le film « Halloween » de 1978 est un parfait exemple car c’est après avoir vu sa sœur avoir une relation sexuelle que Michael Myers alors enfant sort le couteau de cuisine qui le rendra légendaire.

Dans les décennies suivantes, l’impact des mouvements féministes se fait sentir et les femmes acquièrent progressivement des positions auparavant réservées aux hommes. On compte d’ailleurs plus de 300 films d’horreur à personnages féminins actifs entre 1970 et 2015.

Le concept de la « final Girl » que l’on peut traduire par « dernière survivante » apparait dans les années 1970 et 1980. L’universitaire Carol J Clover explique dans ouvrage de 1992 « Men, Women And Chain Saws » (« Hommes, femmes et tronçonneuse » en fr) que la « final girl » est celle qui parvient à échapper et vaincre le tueur ou la menace. Les plus célèbres sont sans-doute Ellen Ripley dans Alien et Sidney Prescott dans Scream. Ces personnages ont renforcé l’idée que les femmes peuvent être des protagonistes forts dans le genre de l’horreur.

Monstrueusement cliché

Si les femmes sont inéluctablement présentes dans les films d’horreur, les clichés et stéréotypes ont la dent dure et restent encore d’actualité. Les films d’horreur ne sont pas intrinsèquement sexistes, mais on y trouve une tendance à sexualiser les femmes, à les dépeindre comme des victimes sans défense ou objets de désir.

Sexualiser la femme est un moyen pour le cinéma de susciter un intérêt visuel ou de renforcer le caractère « dangereux » du monstre ou du tueur. Le cliché de la femme en petite tenue qui tente d’échapper au meurtrier est une image courante du genre. Le voyeurisme, qui consiste à observer la nudité ou le comportement sexuel d’autrui, et d’en éprouver une excitation sexuelle, est également un élément clé de nombreux films d’horreur. On connait tous et toutes la scène de la douche du film Psychose d’Alfred Hitchcock où le personnage de Marion Crane se fait sauvagement assassinée par Norman Bates. Cette scène marquera l’histoire du cinéma et élèvera son réalisateur au rang de maître…

Peuplé de clichés réducteurs, le cinéma d’horreur adore aussi le stéréotype de la « scream queen », souvent bimbo, qui s’égosille. Il s’agit d’un personnage récurrent popularisé par le personnage de Laurie Strode dans Halloween. Lanren Cupp, autrice de la thèse  The Final Girl Grown Up: Representations of Women in Horror Films from 1978-2016 explique « Les femmes sont stéréotypiquement vues comme plus émotives, et donc plus curieuses, plus empathiques avec les autres. Elles ont tendance à faire tout le boulot émotionnel dans un film ». La femme est donc un atout considérable dans un film qui doit susciter des émotions particulièrement fortes aux spectateur.rices.

La revanche de la « final girl »

La « final girl » est aussi celle qui tue le tueur et qui se bat avec les poings. C’est une battante, une survivante. Par ce prisme, on peut considérer qu’elle est féministe. Elle n’a pas besoin qu’un héros vienne la sauver. Les films d’horreur traduisent une réalité des femmes pour qui l’harceleur est un personnage bien réel au quotidien. Une menace dont la paranoïa s’ancre dans une société bien réelle dans laquelle le cinéma puise abondamment. Aujourd’hui, les actrices ont des rôles féminins forts et complexes, capables de vaincre n’importe quel démon, petit-ami abusif ou tueur en série.

Réalisatrices d’horreur

Un film d’horreur réussi peut difficilement se faire sans personnages féminins mais c’est derrière la caméra que les femmes se montrent brillantes. L’industrie du cinéma d’horreur a vu émerger un certain nombre de réalisatrices talentueuses, telles que Jennifer Kent (« The Babadook »), Julia Ducournau (« Raw »), et Ari Aster (« Hereditary »), qui apportent des nouvelles perspectives et renouvellent le genre en explorant des thèmes liés à la féminité, à la maternité et à d’autres aspects de la condition féminine.

Les femmes bénéficient souvent de budgets plus faibles que les hommes pour réaliser leurs films (coucou le patriarcat). C’est pourquoi de nombreuses réalisatrices commencent par l’horreur car il reste l’un des rares genres où il est encore possible de réaliser un bon film avec très peu de moyens. De plus, les films réalisés par les femmes s’adressent directement aux femmes et offre un female gaze salvateur.

L’existence de stéréotypes sexistes ou de représentations problématiques dans les films d’horreur dépend du film spécifique et de ses créateurs. Certains films sont plus progressistes dans leur représentation des femmes, tandis que d’autres continuent de perpétuer des schémas sexistes. Il y a encore du chemin à faire mais nicol.e y croit, ça avance !

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