La misandrie, la haine des hommes. Vraiment?

Les jours passent et nos âmes restent tourmentées par les horreurs perpétrées à l’encontre de Gisèle. Nous nous mobilisons, nous nous soutenons, nous créons du contenu pour sensibiliser et mettre en lumière les dynamiques qui nous oppressent tous.tes. Si cela pouvait se dérouler dans la paix et l’entraide, ce serait trop beau. Il faut bien évidemment que certains égos de mâles blessés s’en mêlent et viennent tâcher nos propos de leur peinture épaisse et collante dénommée #NotAllMen saupoudrée du bon vieux “misandre”. Avant de nous taxer d’un quelconque sobriquet, il serait peut-être utile de s’intéresser à sa signification.

Partons de l’étymologie et la définition du mot “misandre” :

  • du grec ancien μῖσος / mîsos (« haine ») et ἀνήρ / anếr (« homme »)
  • terme désignant un sentiment de mépris ou d’hostilité à l’égard des hommes.

Faisons la même chose pour le mot  “misogynie” :

  • du grec ancien μῖσος / mîsos, « haine » et γυνή / gunế, « femme ».
  • terme désignant un sentiment de mépris ou d’hostilité à l’égard des femmes.

Si l’on s’en tient à ces éléments, on peut tout simplement se dire que “misandrie” et “misogynie” sont sémantiquement antonymes et s’arrêter là. Mais ne partez pas trop vite… c’est là que les choses se compliquent. Ou s’éclairent.

La misandrie est considérée comme un terme vernaculaire, c’est-à-dire qu’il évolue avec le temps. Contrairement à son antonyme qui ne connaît pas d’évolution particulière… C’est seulement pour les femmes la remise en question ? 🙄

Colette Pipon, autrice de Et on tuera tous les affreux. Le féminisme au risque de la misandrie (1970-1980), atteste que le terme serait apparu dans le dictionnaire “dans les années 70, dans un contexte de mouvement social féministe, de lutte contre le système patriarcal” et se serait forgé au début du XXe sur le modèle misogyne. La misandrie, réapparue dans un tel contexte, ne vise qu’un seul ennemi… le patriarcat.

On répète pour tous ceux qui sont dans le fond : L’ENNEMI EST LE PATRIARCAT. Alors certes, au sein de ce système règne le groupe social des hommes mais ce que l’on dénonce en tant que féministe et/ou misandre, c’est ce système patriarcal qui nous oppresse tous.tes.

On répète pour tous ceux qui sont dans le fond : L’ENNEMI EST LE PATRIARCAT.

Pour de nombreuses féministes, la misandrie n’a rien à voir avec la haine pure des hommes.

Chloé Delaume, autrice féministe, précise qu’il ne faut pas prendre ce mot au premier degré et déclare : “Ce n’est pas la haine de l’homme au sens essentialiste, ce n’est pas non plus la haine et le mépris d’une personne physiologiquement masculine. C’est la haine et le mépris du comportement patriarcal”. Olympe Rêve, créatrice de contenus militants, se définit elle-même pratiquante de la MPNE, c’est-à-dire “misandrie politique non essentialisante”. Pour Olympe, il s’agit d’une posture politique à l’encontre du groupe social homme . Sa misandrie ne concerne pas chaque homme individuellement.

Je m’interroge sur un point. Parler de “haine” est-il judicieux ? Par définition, la haine signifie “sentiment violent qui pousse à vouloir du mal à quelqu’un et à se réjouir du mal qui lui arrive”. Or, la misandrie ne commet pas d’actes répréhensibles et violents, à la différence de la misogynie qui baigne dans le sexisme. La misandrie n’est pas un sexisme inversé, mais un résultat de conséquences” relate FranceInter. Elle n’est qu’une “réponse à”, un mécanisme de défense face aux violences que l’on peut vivre en tant que femmes ou minorités. Contrairement à la misogynie qui n’a qu’une cible : les femmes. Celles qui osent. Celles qui parlent. Celles qui ont plus de cojones que leurs homologues masculins.

Personnellement, j’ai longtemps eu peur de ce mot, tout comme le mot “féminisme”. Si aujourd’hui, cela est naturel pour moi d’en parler, cela n’a pas toujours été le cas. Je considérais les misandres comme des pauvres hystériques extrémistes. Je me disais qu’elles allaient trop loin, desservaient la cause. Pensées brutes et sans nuances issues de cette société patriarcale. Au fur et à mesure, j’ai compris que les misandres et moi avions les mêmes objectifs. Avec un poil de colère (légitime) et le courage de l’assumer en plus.

Lors de l’une de mes balades de bibliophile compulsive, je suis tombée sur le livre de Pauline Harmange “Moi les hommes, je les déteste”. “Super, ça donne le ton. Bonne ambi” me suis-je dit. Mais ce titre un poil p*taclic a réussi à piquer ma curiosité. J’étais intriguée. Et surtout, ma colère face au système devenait de plus en plus grande. Au fil des pages, j’ai réalisé que la misandrie pouvait être utilisée comme un outil plutôt qu’une fin en soi. Aussi virulente soit-elle, elle n’a jamais tué personne. Elle apporte des réflexions, permet d’analyser et de déconstruire les dynamiques de pouvoir et de se détacher du regard masculin. C’est une pensée libératrice et non un comportement général et quotidien. Contrairement à la misogynie – bien ancrée dans le sexisme – qui, elle, abîme, détruit. La misogynie n’appelle pas à réfléchir, elle assassine. Et ce, depuis des siècles. Pour aucune raison, à part celle d’exister en tant que femme. Sympa, le concept.

La misogynie n’appelle pas à réfléchir, elle assassine.

Si l’on devait résumer les choses en une phrase, je choisirai celle-ci de Pauline Harmange : “Outre le fait qu’elle décrédibilise la cause des femmes, il paraît que la misandrie est très difficile à vivre pour les hommes : une violence insoutenable qui, à ce jour, totalise l’intolérable forfait d’exactement zéro mort et zéro blessé.” Et toc ! Suis-je moi-même misandre ? Si chacune peut avoir sa définition propre, alors oui, je me considère comme misandre. Je milite contre le patriarcat et le groupe social homme qui a intégré les comportements sexistes. Je milite contre ces dynamiques de pouvoir qui oppressent les femmes et les minorités. Je milite contre ces hommes misogynes qui ne se remettent pas en question et font subir toutes sortes de violences. Je milite contre ces “mecs biens” qui ne prennent la parole que pour gonfler leur égo mais se taisent quand il s’agit de croire les victimes. Je milite contre ces “ouin-ouin” qui ne sont que des complices du système mis en place.

Est-ce qu’être misandre empêche le fait de sociabiliser aves les hommes ?

Si certaines féministes misandres font le choix de rejeter complètement les hommes – et c’est leur droit, je le comprends – je fais le choix de croire à une alternative. Certes, être plus engagée, plus affirmée crée un désert plus grand que le Sahara dans ma vie sentimentale, mais cela me permet de faire le tri très rapidement et de savoir à qui j’accorde mon énergie : ceux qui aspirent à être des alliés, à écouter, à croire, à soutenir.

Parce que le patriarcat, ça concerne tout le monde. Ne serait-il pas temps de construire des ponts plutôt que des barricades ? S’il y a des hommes qui me lisent : oui, vous aussi, vous en souffrez. Et comme Pauline Harmange, “je souhaite à tous les hommes d’avoir envie de s’extraire de ça, et d’essayer de trouver une manière d’être un homme qui ne fasse de mal à personne”.

Retenez 3 choses de cet article :

  • Sans misogynie, point de misandrie.
  • La misogynie tue, la misandrie vexe.
  • Un mauvais jour pour l’ego est un grand jour pour l’âme.

Tu veux poursuivre la réflexion ?

  • Le profil Instagram d’Olympe Rêve
  • Les livres :

Moi les hommes je les déteste de Pauline Harmange

La terreur féministe de Irène Hermoso Poza

On ne naît pas soumise, on le devient de Manon Garcia

How To Date Men When You Hate Men de Blythe Roberson

La vérité vous libérera mais d’abord elle vous mettra en rage de Gloria Steinem

Les hommes et le féminisme de Françis Dupuis Déri

La crise de la masculinité de Francis Dupuis Déri

  • Les articles :

La misandrie, la haine des hommes ? FranceInter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/zoom-zoom-zen/zoom-zoom-zen-du-vendredi-08-mars-2024-6542220

L’interdit de haïr les hommes par Catherine Lalonde sur Le Devoir : https://www.ledevoir.com/lire/589123/lire-l-interdit-de-hair-les-hommes

Plot Twist : les femmes ne détestent pas les hommes par Bénédicte Legall sur Slate : https://www.slate.fr/story/256413/plot-twist-feministes-detestent-pas-hommes-haine-stereotypes-etude-misandrie

  • Les podcasts :

Le coeur sur la table de Victoire Tuaillon

Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon

Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé

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