« Summer body » ou comment avoir le seum

« L’été arrive, soleil à la fenêtre. Summer body me dit « vite », mais j’me sens pas prête. Il a mis dans les magazines des filles trop fraîches À la silhouette trop fine pour être honnête » chantonne la Reine de Belgique aka Héléna Bailly (notre nouvelle star nationale sortie de la Star Academy). Chaque été, c’est la même rengaine. Les feeds d’actualité pullulent de « Comment obtenir un corps de rêve en quatre semaines ? » ou « Conseils et astuces pour un ventre plat ». Et nous voilà prêtes à sacrifier nos croissants et nos smoothies du matin pour trois radis et une tranche de pain complet. Les corps bronzés et sculptés comme des statues grecques vous font rêver ? Spoiler : ils n’existent que dans les magazines.

Plongez avec nicol·e pour décrypter cette quête du corps parfait.

Chaque siècle apporte son lot de standards de beauté. Savez-vous qu’à l’époque de la Renaissance, les femmes étaient admirées pour leurs courbes généreuses et leurs hanches bien marquées ? Il s’agissait d’une forme de richesse et de prospérité. Elles arboraient un teint pâle (on poudrait les visages de fard blanc à base de métaux lourds très toxiques) en opposition à la carnation hâlée des classes populaires livrées au soleil et aux intempéries. Quelques siècles plus tard, adieu les corps voluptueux et bonjour les tailles de guêpes ! L’ère victorienne arrive avec ses corsets et privilégie la taille marqué avec des hanches et une poitrine mises en valeur. Bref, ces changements montrent que les idéaux de beauté sont aussi volatils que les trends TikTok d’aujourd’hui.

A la conquête du corps parfait

Les standards de beauté traditionnels, hérités de générations d’idéaux souvent irréalistes, infligent une pression gigantesque. Ces injonctions sont largement entretenues par les médias et l’industrie du divertissement comme le cinéma ou les clips musicaux. Les réseaux sociaux tels qu’Instagram et Tik Tok n’aident pas non plus : entre les photos retouchées et les filtres qui gomment les moindre défauts, difficile de ne pas se comparer. Le corps des femmes est sans cesse scruté et considéré comme un objet soumis au regard des autres et particulièrement celui des hommes. Cela entraine des troubles des comportements alimentaires, de l’anxiété, de la dépression et des traumatismes dont il est difficile de se défaire, même une fois guérie.

A l’approche de l’été, les salles de sport se remplissent, les ventes sur Decathlon explosent, et tout le monde se met à boire de l’eau chaude citronnée à jeun (ce qui, entre nous, n’a jamais été prouvé comme miraculeux, sauf pour l’industrie du citron). Pourquoi cacher sa cellulite alors qu’elle est naturelle ? Pourquoi vouloir éviter de montrer ses poignées d’amour alors que tout le monde en a ? La cellulite, les bourrelets, les poils, les seins qui pendent, les fesses plates… il s’agit encore de complexes pour de (trop) nombreuses femmes. Pourquoi cette obsession? Le manque de représentation bien-sûr !

« Le bikini en vitrine, il va pas sur moi
J’suis entourée d’filles sublimes, j’rêve qu’elles n’existent pas
Non, j’vais pas cacher mes poignées gonflées par l’amour
Trois kilos, c’est quoi? Y en aura toujours trop ou pas assez
Tu m’fous l’seum en plein été »

En 2024, il devient nécessaire et urgent de représenter la beauté des femmes de façon diverse. Grosses, petites, minces, noires, yeux bridés, brunes, cheveux crépus, grandes, handicapées… Si plus de femmes étaient représentées, elles ne remettraient pas en question leur propre beauté.

Marre du bodyshaming

Merlin soit loué, les représentations évoluent petit à petit. Toutefois, sortir de la norme est sujet aux remarques sexistes et grossophobes. Dernier exemple en date, la DJ française, icône LGBTQIA+ et militante féministe Barbara Butch est victime de cyberharcelement depuis sa participation à l’ouverture des JO Paris 2024. La société est grossophobe quel que soit le genre mais l’injonction de la minceur est particulièrement imposée aux femmes. En Belgique, 90% des personnes anorexiques seraient des filles/femmes (Source : INSERM).

Le moindre écart est puni. Un kilogramme supplémentaire sur la balance fait broyer du noir pendant des jours. Le terme « cheat meal » est le parfait exemple de la toxicité que les femmes entretiennent avec la nourriture et leur apparence. Vous ne trompez personnes lorsque vous mangez quelque chose qui vous fait plaisir.

On culpabilise les grosses (non ce n’est pas un gros mot) en leur disant qu’elles mangent mal, qu’elles ne font pas suffisamment de sport ou qu’elles sont en mauvaise santé. Au cas où vous ne le sauriez-pas, la majorité des femmes font une taille 42, bien loin des tailles fines qu’on voit sur les podiums.

A contrario, les femmes jugées « trop minces » subissent les mêmes critiques. Il y a quelques mois, la star Ariana Grande était jugée trop maigre. Elle s’est ensuite sentie forcée de s’exprimer sur TikTok en déclarant qu’« il existe plein de façons différentes d’être belle» et «d’avoir l’air en bonne santé », peu importe le poids sur la balance. Elle ajoute que dans son cas, les apparences sont trompeuses, expliquant qu’elle était en moins bonne santé lorsqu’elle pesait quelques kilos supplémentaires.

Les hommes aux commandes

Soyons honnêtes, la société comme nous la connaissons aujourd’hui laisse peu (ou pas) de place aux femmes. Par exemple, elles sont souvent invisibilisées dans la nomination des monuments et des rues, reléguées aux oubliettes au profit d’une mémoire d’abord masculine. Selon la collective Noms Peut-Être !, la Stib atteindra la parité ‒ dans sa nomenclature du moins ‒ dans une soixantaine d’années. Autre exemple, le manspreading qui se traduit par « l’étalement masculin », consiste à s’asseoir les jambes écartées dans l’espace public. Une pratique qui s’oppose au womancrossing qui désigne le fait de croiser les jambes en position assise. En cherchant à être minces à tout prix (ou à croiser les jambes), les femmes cherchent – d’une certaine manière – à se faire les plus petites et discrètes possible.

De plus, « se faire belle » demande un temps considérable. La skin care routine, le maquillage, la coiffure, trouver la tenue parfaite… Aussi trivial que ça puisse paraître, tout ce travail qui semble simple et anodin demande beaucoup de temps et d’énergie. Du temps et de l’énergie que les femmes ne consacrent donc pas à leur avenir, à leur carrière, à devenir CEO d’une start-up ou à guérir le cancer…

Depuis la nuit des temps, la société patriarcale contrôle les femmes. Historiquement, les femmes n’avaient pas le droit de choisir leur mari, leur métier ni même ce qu’elles achetaient. Faire attention à ce qu’elles mangeaient signifiait avoir le contrôle. Contrôler leur assiette leur était accessible puisqu’elles étaient généralement assignées à l’intendance du foyer. Aujourd’hui encore, les femmes ressentent cette obsession afin de ressembler aux modèles féminins.

La révolution du body positive

Né aux États-Unis à la fin des années 90 afin de se rebeller contre les standards oppressants, le mouvement body positive prône l’acceptation de tous les corps, quelle que soit leur forme, leur taille ou leur couleur. Des créatrices de contenu, des célébrités et même des marques rejoignent le mouvement. Ashley Graham, Yseult, ou encore Jameela Jamil sont devenues des figures emblématiques. Le message est simple : vous n’avez pas besoin de changer pour être admirées et digne d’amour et de respect.

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Mais comment faire si on ne parvient pas à s’aimer ? Comment faire pour apprendre à s’aimer malgré nos imperfections ? Le mouvement body positive peut aussi, pour certaines, sonner comme une injonction d’obligation à s’aimer et à accepter son physique. Ne pas y arriver peut être vécu comme un nouvel échec. Entamer un régime et/ou un rééquilibrage alimentaire vaut souvent la désapprobation des adeptes du body positive. Or, « le body positivisme était au départ un mouvement militant, qui luttait contre l’invisibilité des personnes grosses, » rappelle Sylvie Benkemoun, psychologue, psychothérapeute et membre du Gros (Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids). Personne n’a le droit de valider le ressenti que les gens ont envers leur corps. On ne peut pas imposer aux femmes de se trouver belles et attirantes, qu’elles fassent une taille 34 ou un 54.

« Quoi qu’il advienne
Quoi qu’il advienne
Le regard des gens j’en ai que faire
Qui sont-ils pour me juger? »

Célébrer l’acceptation de soi

Fini de se flageller pour un bourrelet ou une vergeture, place à l’amour de soi ! L’acceptation de soi, c’est comme réussir à monter un meuble sans s’énerver : c’est possible, mais ça demande du temps et de la patience. Accepter son corps, c’est apprendre à l’aimer malgré ses imperfections. C’est comprendre que les cicatrices, les rides et les kilos que vous considérez comme en trop racontent votre histoire, et que cette histoire vaut la peine d’être aimée.

Plutôt que de se concentrer sur ce que vous devriez être, nicol·e vous invite à célébrer ce que vous êtes. Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’un « summer body » sinon un corps, le vôtre, qui mérite le soleil et le sable, peu importe sa forme ?

© Unsplash

nicol·e a un conseil pour vous : apprécier les petits plaisirs de la vie sans culpabilité. Offrez-vous une glace en bord de mer, une sieste au soleil ou un plongeon sans se soucier du regard des autres.

L’été est trop court pour avoir le seum.

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