La féminité à l’ère du cancer du sein

Le cancer du sein touche 1 femme sur 8, et a touché ma maman il y a quelques années. L’impuissance que j’ai pu ressentir durant cette période de ma vie, m’a poussé à développer ma volonté d’aider toutes ces femmes. Le mois d’octobre rose est l’occasion, pour moi, de vous parler, non pas de prévention ou de sensibilisation (même si je vous conseille de palper vos boobs!), mais bien de féminité.

Dans la majorité des articles que vous trouverez sur la toile à ce sujet, vous pourrez lire : « nos seins font partie intégrante de notre féminité ». À travers cet article, je vais essayer de vous convaincre que pas forcément.  

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J’ai des seins donc je suis femme

Lorsque ma maman a enfin fini ses traitements et que les mots « reconstruction mammaire » sont arrivés sur le tapis, une amie m’avait dit: « elle va enfin pouvoir se sentir à nouveau complètement femme ».

Une bonne intention qui était en réalité un affront pour ma maman et toutes les femmes touchées par la maladie.

J’aurais pensé de la même manière si la personne malade n’avait pas été de ma famille. J’aurais pensé qu’une femme est complètement femme si elle a ses deux seins. Plus encore: qu’une femme est attirante si ses deux seins sont fermes, rebondis et en forme de demi-pomme. Cependant, je me trouve attirante, même si je suis loin d’avoir ces nichons-là et je ne trouvais pas que ma maman était moins femme depuis qu’elle en avait perdu un. Loin de là. À travers la maladie, son combat, et ce que je voyais d’elle, je déconstruisais ma définition de la féminité. La beauté d’une femme ne se résumait pas à ses lolos.

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À travers la maladie, son combat, et ce que je voyais d’elle, je déconstruisais ma définition de la féminité.

Cachez ce sein que je ne saurais voir

Visiblement, j’étais la seule à le penser. La société n’était pas prête à laisser de la place à la différence.

« Mets une prothèse en mousse sinon ça fait bizarre », « Ne te penche pas trop fort sinon on voit », « Tu ne peux pas rester comme ça, il faut que tu passes par la reconstruction mammaire pour récupérer ta féminité perdue. »

Je suis pour la reconstruction. Je suis pour la non reconstruction. Je suis pour ce que veulent les femmes et toutes les personnes atteintes du cancer du sein. Seules, elles, devraient avoir le pouvoir de juger ce qui est bizarre, pas beau, normal, ce qui leur va, leur sied.

Je suis reconnaissante que des chirurgies réparatrices existent. Je suis reconnaissante que des tatoueur.ses arrivent à réaliser des trompes l’œil incroyables en forme de téton.

Je suis heureuse que ma maman ait aujourd’hui droit à une poitrine à deux nichons. Mais j’aurais été tout autant heureuse qu’elle ne choisisse pas de passer par la case reconstruction mammaire.

Je suis pour la reconstruction. Je suis pour la non reconstruction. Je suis pour ce que veulent les femmes et toutes les personnes atteintes du cancer du sein.

La mastectomie, une attaque à la féminité patriarcale

Je suis consciente, qu’à l’heure actuelle, la possibilité de perdre un sein pour une femme est un affront et peut avoir un impact conséquent sur l’image qu’elle a d’elle-même. Je pense d’ailleurs que le regard le plus dur est le sien. Mais celui-ci représente la culpabilité et le rejet d’un corps amputé qui pourtant aurait besoin d’attention et de compréhension. Je comprends la douleur, l’inquiétude et même le dégout que cela peut engendrer auprès des femmes. Une partie de leur corps leur a été enlevée, une partie qui est prônée par le patriarcat comme le Saint Graal de la féminité (surtout s’ils sont assez gros et en demi pomme). J’ai conscience que dans une société telle que la nôtre, l’ablation est un évènement traumatisant (si pas autant que l’annonce du cancer en tant que telle).

Mais j’ai l’espoir qu’un jour les femmes ne devront pas plus s’inquiéter de leur image que du combat qu’elles doivent mener. J’ai l’espoir que les femmes puissent se trouver belle avec un, deux ou zéro sein(s).

Les chiffres parlent

En Belgique, environ 11 000 femmes sont touchées chaque année par le cancer du sein. Entre 35 à 40 % doivent subir une ablation. Environ 3000 femmes décident de passer par la reconstruction mammaire.

Après un calcul simple, il s’avère qu’entre 1000 et 1500 femmes refusent cette nouvelle (énième) opération. C’est d’ailleurs une des raisons qui revient en premier: le refus de se faire encore opérer. Les traitements ont été lourds, l’odeur de l’hôpital devient insupportable, il n’est plus question d’y remettre les pieds et sûrement pas pour quelque chose qu’elles peuvent éviter. S’en suit le manque d’informations sur les différentes techniques qui existent ou sur les remboursements possibles. Mais certaines femmes refusent la reconstruction mammaire simplement parce qu’elles acceptent leur nouvelle image.

 Intérieurement, je ne peux pas arrêter de me poser cette question: « À combien s’élèverait ce chiffre si les femmes n’avaient pas autant de pression sur leur « féminité » ou sur la beauté normée qu’elles doivent constamment renvoyer à cette société pour être validée ? »  

Mais j’ai l’espoir qu’un jour les femmes ne devront pas plus s’inquiéter de leur image que du combat qu’elles doivent mener.


On nous dit que le cancer du sein s’attaque aux symboles de la féminité (qui d’ailleurs sont des stéréotypes de genre). Cependant tout dépend de la définition qu’on donne à la féminité. Clémence De Biéville disait d’ailleurs que « la beauté d’une femme tient à l’idée qu’elle s’en fait. »

On voulait aussi vous rappeler de vous palper les seins, et on envoie plein d’amour et de douceur à celles.ceux qui se battent. On vous aime.

Rendez-vous mardi prochain, 8h ❤️

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