Libérons les nénés

Depuis quelques années, le mouvement « no-bra » gagne en popularité. Cet anglicisme décrit le fait de ne pas (no) porter de soutien-gorge (bra). De plus en plus de femmes choisissent de dire adieu au soutien-gorge et remettent en question des siècles de normes vestimentaires imposées aux femmes. Les boobs de notre rédactrice Marie sont libres depuis plusieurs années. Nicol·e vous en parle.

Durant l’Antiquité, les femmes utilisaient déjà des bandeaux pour soutenir leur poitrine. Au XVIe siècle, la gent féminine porte des corsets conçus pour modeler et soutenir le torse des femmes. Ils étaient souvent extrêmement serrés afin d’affiner la taille et accentuer les courbes. Symbole de féminité, les corsets étaient pourtant terriblement néfastes pour la santé : problèmes respiratoires, déformations des côtes, troubles alimentaires, dégradation de la santé mentale… La scène où Elisabeth Swann (aka Keira Knightley la fabuleuse) tombe à l’eau à cause de son corset trop serré dans Pirates des Caraïbes est là pour nous le rappeler…

La libération du corset commence au début du XXe siècle avec l’émergence du soutien-gorge, offrant aux femmes une alternative plus confortable et moins contraignante. En 1889, Herminie Cadolle, ouvrière corsetière, féministe engagée,  invente un prototype de soutien-gorge qui divise le corset en deux parties. Ensuite, en 1914, Mary Phelps Jacob brevète le premier soutien-gorge moderne, fait de deux mouchoirs et de ruban. Cette innovation gagne en popularité dans les années 1920 et 1930. Au fil des décennies, le soutien-gorge a évolué en termes de design et de matériaux pour répondre aux besoins de confort, de mode et de fonction. Spoiler : c’est mieux mais loin d’être parfait.

Une démarche de bien-être

Le « no bra » est un choix personnel motivé par diverses raisons allant du confort physique à des revendications politiques. De nombreuses femmes déclarent se sentir plus à l’aise sans soutien-gorge. Il s’agit d’ailleurs de l’une des raisons les plus souvent évoquées. Fini la respiration entravée, les marques rouges sur le dos en fin de journée ou les baleines qui rentrent dans la chair. Pour ma part, ça fait plusieurs années que je ne porte plus de soutien-gorge. D’abord occasionnellement, j’ai vite jeté mes sous-vêtements à la poubelle. Au début, je me demandais si je ne devais quand même pas remettre un soutien-gorge, en été par exemple… Aujourd’hui, la question ne se pose même plus ; même pour un entretien d’embauche ou pour une soirée chic.

Plus confort et moins néfaste que le corset, plusieurs études menées sur les impacts de porter ou non un soutien-gorge ont montré que ce n’était pas totalement bénin. En 2013, le professeur Jean-Denis Rouillon, de l’Université de Besançon en France, a mené une étude qui soutient que le port de soutien-gorge pourrait en réalité affaiblir les muscles naturels qui soutiennent la poitrine. Ses conclusions indiquent que ne pas porter de soutien-gorge pourrait aider à renforcer ces muscles et améliorer la posture. Il va même plus loin en déclarant « C’est du bon sens biologique. Les wonderbras et autres push-up compriment les tissus, gênent la circulation sanguine et lymphatique. Se pose alors la question d’un éventuel lien avec le cancer du sein. Je pense que c’est une hypothèse qui mérite d’être étudiée par des organismes de recherche. »

« Libérée, délivrée » du patriarcat

Pour plusieurs féministes, le soutien-gorge est avant tout un symbole d’oppression des femmes et d’objectivation du corps féminin. L’injonction du soutien-gorge existe même au sein des foyers. Qui peut dire n’avoir jamais entendu sa mère ou sa grand-mère dire « attention aux seins qui pendent » ? Dans l’espace public, la poitrine des femmes sont régulièrement sujette au regard et à l’approbation des hommes.

Le slogan « No bra = No control » illustre parfaitement cette démarche d’émancipation. Année après année, le mouvement gagne en ampleur. En 2018, le hashtag #nobrachallenge apparaît sur les réseaux sociaux, donnant un nouveau coup de projecteur. Enfin, le confinement et le télétravail ont convaincu de nombreuses personnes (dont moi) à bannir le soutien-gorge de leur quotidien.

Il ne s’agit pas pour moi d’un acte politique. En revanche, je considère que si les hommes ont le droit de se balader le torse nu, les femmes le peuvent tout autant.

Le regard des autres

La perception du corps féminin, souvent sexualisée dans les médias et la publicité, rend parfois difficile l’acceptation d’une poitrine sans soutien-gorge dans l’espace public. La poitrine d’une femme est si souvent jugée trop petite, trop grosse, trop décolletée, trop rembourrée, trop découverte… Le sexisme ordinaire, la culture du viol, les injonctions et les regards insistants peuvent dissuader certaines femmes de faire ce choix.  

J’ai 30 ans, un bonnet E et les seins qui pendent (c’est la gravité que voulez-vous). Il m’est parfois compliqué de danser et de courir mais à part ça, rien à déclarer. Il m’arrive de porter des hauts moulants et d’avoir les tétons et mon piercing apparents. Est-ce un problème ? Non.  Libérez mes nénés est l’une de mes meilleures décisions d’adulte. Est-ce pour autant la meilleure décision à prendre vous concernant ? Non. Dans son livre Le sein, une histoire,  Marilyn Yalom, écrit « On réalise qu’en fait la poitrine n’appartient à aucun moment aux femmes. Le sein appartient soit au plaisir masculin, soit aux enfants, soit est associé à la maladie, au cancer. » Le mouvement « no-bra » met en lumière l’importance de respecter les choix individuels et de promouvoir une plus grande liberté corporelle pour toutes les femmes. Le meilleur choix sera le vôtre. Libérez vos nénés (du patriarcat) !

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