Petite histoire de la masturbation – médecine et hystérie

La masturbation féminine, cette douce expression qui allie le plaisir sexuel et les femmes. Cette liaison de mot n’est ni anodine, ni permise depuis longtemps. Je me suis posée la question: pourquoi mon premier rapport avec un partenaire s’est fait à l’âge de 16 ans et ma première fois en solo à … 21 ans ?

J’avais conscience que la masturbation au féminin était loin d’être vue comme celle au masculin. Plus jeune, l’idée même de me masturber ne m’est jamais venue à l’esprit. Je veux dire par là que je n’ai ni analysé la question, ni même fait un pour ou contre. Non. Je n’y ai simplement pas pensé. Et pourtant, j’étais entourée de garçons, qui, je le savais, se masturbaient. Mon esprit peu déconstruit de l’époque était en complète validation sur ce fait : les hommes se masturbent et les femmes n’y pensent même pas. Mais pourquoi ?

La masturbation ou onanisme?

En 1876, docteur Pouillet publiait l’Onanisme chez la femme. L’onanisme est défini, par un certain Schwartz de Strasbourg en 1815, comme étant « une habitude funeste, suivie d’une évacuation contre nature de la liqueur spermatique provoquée par des attouchements ou par l’effet d’une imagination ardente ». Docteur Pouillet, insatisfait par cette définition qui ne peut s’appliquer à la femme qui « n’a point de liqueur spermatique », la redéfinit par « un acte contre nature fait à l’aide d’un organe vivant (main, langue) ou d’un instrument quelconque (étui, priape), dans le but de provoquer le spasme vénérien ; que cet acte soit solitaire ou exécuté en commun ».

On dit merci qui ? Et non,… pas Merci docteur Pouillet ! Malgré l’inclusion des femmes dans la définition (youpi elles peuvent se masturber), il interdit cette pratique car elle serait dangereuse.

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Pourquoi se masturber?

Le « Docteur de la masturbation » a fait une enquête très approfondie (ironie) et est arrivé à ces conclusions (entres autres) : la femme y succombe par manque de propreté, pour cause d’un pénis trop fin qui ne parviendrait pas à donner le plaisir recherché ou encore suite à l’absorption d’aliments qui amènent une congestion sanguine (aux oubliettes les mets épicés par le poivre, la cannelle et la truffe).

Je ne peux que t’inviter à lire son livre qui m’a fait me tordre de rire (parce qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer). J’allais oublier, la masturbation est héréditaire : « il parait prouvé que des enfants, nés de parents lascifs, succombent plus facilement aux tentations de la volupté que les autres ».

Diagnostic: masturbation

Selon Pouillet, il s’agit bel et bien de diagnostiquer la masturbation, qu’il nomme tantôt « de passion », de « maladie illicite » ou encore « des manœuvres coupables ».

Laisse-moi te présenter la malade typique :

Une femme au teint blafard, aux yeux tristes fixant le sol, avec une démarche chancelante et un manque de coordination des mouvements. Ses urines sont troubles et son chagrin est porté jusqu’à la colère. Elle est d’une timidité exagérée en présence des parents et d’une paresse sans nom. À force de s’astiquer le manche, son appareil génital externe grandit de manière disproportionnée et son clitoris s’allonge et développe une sensibilité morbide.

Je tiens à préciser qu’il est contre la masturbation en général. Selon lui, le seul but de l’onanisme est d’engendrer la volupté et « autant de fois il y aura sensations voluptueuses, autant de fois l’encéphale se sera surmené pour la faire naître dans des conditions hors nature. Donc il faut admettre que chez la femme, comme chez l’homme, les effets de la masturbation feront tôt ou tard éclater les accidents morbides ». Cependant, il précise que ces accidents sont plus fréquents chez les femmes, sans donner réellement de raison.

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Les conséquences de la masturbation…

Les conséquences de la masturbation féminine pouvaient être bénignes, comme de simples petites rougeurs ou graves, comme la chute de l’utérus, des calculs urinaires, de l’hystérie, ou encore des troubles de la vue et une paralysie de courte durée. (Sans déconner…)

Le plus cocasse: au même moment, le Docteur Pouillet met en garde contre la masturbation qui provoquerait l’hystérie et d’autres médecins prescrivent la masturbation féminine médicale comme remède à cette même « maladie ».  

Je pourrais parler davantage du paradoxe sexuel le plus énorme de l’humanité, mais je suis sûre que d’un coup tu es plus interessé.e par ce qu’est la masturbation médicale. (parce que oui, tu as bien lu)  

Le plus cocasse: au même moment, le Docteur Pouillet met en garde contre la masturbation qui provoquerait l’hystérie et d’autres médecins prescrivent la masturbation féminine médicale comme remède à cette même « maladie ». 

La masturbation médicale des femmes

La masturbation médicale créée à la fin du XIX e siècle n’est rien d’autre que l’acte d’un médecin sur une femme dans le but de la faire jouir afin de traiter l’hystérie ou les troubles du système nerveux.

On comprend mieux l’expression « jouer au docteur » (très drôle). Les femmes étaient donc interdites de masturbation solo alors que la médecine l’utilisait pour guérir leurs maux. Une logique implacable qui est autant absurde qu’effrayante. D’ailleurs, l’invention du vibro remonte à 1878, dans un hôpital français. Tu t’imagines bien que les docteurs n’allaient pas utiliser leurs mains non plus. Heureusement la vente des sextoys va se démocratiser grâce aux ventes par correspondance et cette pratique médicale sera considérée comme viol sur patient.

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Je ne t’apprends rien si je te dis qu’aujourd’hui encore, la masturbation (et plus particulièrement la masturbation féminine) est un tabou. Fouiller l’Histoire permet d’en comprendre les racines pour mieux le déconstruire. Une chose est sûre, bien que le plaisir solo ait toujours été un sujet polémique, quand il s’agit de celui des femmes, le problème est encore plus gros. Entre interdiction et maladie, cette première partie dans notre parcours historique de la masturbation au 19e siècle me laisse sans voix. 

La suite arrive dans un prochain article… et spoiler alert: ça ne va pas en s’améliorant. 

En attendant, n’oublie pas de prendre ton pied… en solo. (Et on te laisse ce petit guide ultime de la masturbation féminine par Puissante…)

Rendez-vous mardi prochain, 8h ❤️

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