La virginité féminine: un concept étroit

Selon Google, virginité est synonyme de « pucelage », « candeur », « innocence » et évidemment « hymen ». La virginité est définie comme « l’état d’une personne qui n’a jamais eu de rapports sexuels ». Le plus souvent, ce sont les femmes, et plus rarement les hommes, qui sont cataloguées comme « vierges ». Une femme vierge serait donc une femme innocente et pure dont la fleur est préservée. 

Pourtant, la virginité n’est rien d’autre qu’un mythe. Il s’agit d’une construction purement sociale issue d’une longue tradition patriarcale où la science, la culture et la politique à dominante masculine continuent de promouvoir le contrôle sexuel et politique des femmes par les hommes. Tout au long de l’histoire, la sexualité des femmes a été l’objet d’oppressions. On a prétendu que la sexualité était intrinsèquement violente. On a appris aux femmes à intérioriser la douleur, à avoir mal durant les rapports sexuels, durant les consultations chez le ou la gynécologue, durant l’accouchement. Selon certains, avoir mal durant un coït à rallonge ou durant une sodomie, c’est « normal ». Spoiler alert: c’est faux. Pour éviter les douleurs durant un rapport sexuel, il faut se détendre, prendre le temps, se caresser, se découvrir et ne pas hésiter à communiquer avec le ou la partenaire.

Le sacro-saint hymen

La virginité s’appuie sur la croyance restrictive que la seule façon de « perdre sa virginité » est causée par la pénétration d’un pénis dans un vagin qui entraîne un saignement de l’hymen. Ce dernier est une fine membrane souple, très élastique et qui ressemble à un repli de muqueuses disposées en couronne autour du vagin.

Contrairement aux croyances populaires, ce n’est pas l’hymen qui saigne mais plutôt les tissus très irrigués du vagin. D’ailleurs, il est tout à fait possible que l’hymen reste intact malgré une pénétration ou au contraire, qu’il se distende, et crée des ouvertures en dehors de toute relation sexuelle comme lors de la pénétration d’un tampon, d’un doigt ou par des activités comme l’équitation ou la gymnastique. Partir du postulat que « perdre sa virginité » équivaut à rompre l’hymen est donc erroné.

Phallus tout-puissant

D’une façon générale, le rapport sexuel classique commence avec l’érection masculine et se termine avec l’éjaculation. Parler de la « première fois » seulement pour la pénétration vaginale sous-entend que les autres pratiques sexuelles sont moins importantes, qu’elles ne sont pas « vraiment » du sexe. Or, la fellation, le cunnilingus, la sodomie ainsi que tout autre pratique sexuelle sont aussi du sexe.

La virginité est le symbole de la pureté de la femme. Pourtant, la virginité masculine est loin de recevoir la même attention. Une femme qui « perd » sa virginité perd ainsi sa vertu et son innocence. À la différence des hommes, chez lesquels le dépucelage est vu positivement et considéré comme un passage à l’âge adulte. 

Le rapport sexuel classique commence avec l’érection masculine et se termine avec l’éjaculation.

« Perdre sa virginité » est une expression terriblement lourde de sens. « On est encore dans cette idée-là […], que l’homme va briser l’hymen de la femme et donc « conquérir le territoire », alors qu’on gagnerait à voir le contraire, à voir que la femme n’appartient pas à un homme. C’est une relation qui est réciproque, » explique la sexologue Geneviève Labelle au micro de Patrick Masbourian pour le podcast Les Éclaireurs. L’importance donnée à la virginité féminine retranscrit ainsi les rapports de domination hommes-femmes.

Vierge Marie ou « Marie-couche-toi-là »

Lorsqu’on parle de virginité, impossible de ne pas penser à la Vierge Marie qui donne naissance au fils de Dieu, en opposition à Eve qui a eu l’impudence de goûter le fruit défendu. La société patriarcale et les idées reçues soutiennent qu’il faut « ne pas être salope, mais faire l’amour comme un porno. Nonne multiorgasmique »

Lucie* a perdu sa virginité à 18 ans. « J’ai été jugée parce que je n’étais pas en couple avec le garçon. J’ai passé mon temps à me justifier, » explique-t-elle.  Pour Lucie, la société mystifie à outrance la « première fois » alors qu’il s’agit simplement d’une étape supplémentaire dans la découverte de la sexualité. « L’âge n’a pas d’importance. Ce qui compte c’est de se sentir bien et ne pas avoir de regrets. »

« L’âge n’a pas d’importance. Ce qui compte c’est de se sentir bien et ne pas avoir de regrets. »

Lucie, 18 ans

Paradoxalement, les filles qui sont vierges se font rapidement coller l’étiquette de coincées. « J’ai l’étiquette de frigide. J’ai l’impression d’être en retard et d’en être responsable. Mes amies me disent d’être plus entreprenante, moins exigeante, » explique Virginie*, 28 ans. « J’en ai honte ». Pour elle, « perdre sa virginité » sera synonyme de « liberté » voire de « soulagement ». 

*Les prénoms ont été modifiés afin de préserver l’anonymat des jeunes filles

Tout reste à faire, tout est à reconstruire

La société patriarcale demeure. Elle contraint, abuse, enferme les femmes dans les carcans féminins pour les modeler à sa guise. Les femmes ne sont « jamais assez bien ou en font toujours trop ou pas assez ». Il suffit de voir le manque de représentation authentique de femme vierge dans les médias.

La virginité est un concept dépassé qui cause davantage de tort que de bien. Heureusement, l’époque nous permet de renégocier, repenser, réorganiser la sexualité et reprogrammer nos fantasmes. Rappelons-nous que la virginité ne nous apprend rien d’une personne, de sa valeur et de sa sexualité.


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