Le sexe, c’est nul? Partie 01

“La première fois ça fait mal”, “T’as pas honte de ramener un mec différent chaque semaine?”, “N’offre pas ta virginité à n’importe qui”. Les connotations sont bien négatives lorsqu’il s’agit de se faire plaisir. Alors, pourquoi sexe est-il parfois synonyme de douleur, d’impureté ou de violence? C’est vraiment si nul de faire l’amour?

Entre tabous, non-dits et fausses croyances, la liberté au lit, on n’y est pas encore. Même si depuis les années 60, on défend bec et ongles cette fameuse liberté sexuelle, dans les faits… C’est autre chose. Parce que finalement, être libre au lit, c’est aussi dire quand ça fait mal, non? C’est aussi pouvoir refuser une pratique, s’accommoder du bon vieux missionnaire ou encore, envisager l’amour pendant les règles? 

C’est vraiment si nul de faire l’amour?


“Le sexe, ça fait mal”

Je me suis longtemps interrogée sur la place de la douleur dans la sexualité. Drôle d’association. Alors, je suis remontée dans le temps et j’ai été déterrer mon premier souvenir lié à la sexualité. Le voici: “La première fois, ça fait mal”. Voilà certainement la première phrase que j’ai entendue lorsque j’ai eu l’âge d’être informée sur le sujet de la sexualité. Vraiment rassurant, n’est-ce pas? Les jeunes filles sont bercées par cette devise magique et très réjouissante. C’est là que le premier fossé se crée entre femmes et hommes. Jeunes filles, vous aurez mal (“L’hymen est perforé, ça se déchire, tu vois?”), jeunes hommes, les filles auront mal. Mmmmh d’accord, on peut s’arrêter là? Déjà que la première fois est un moment stressant, cette dimension dramatique, sanglante et limite chirurgicale ne promet décidément pas une expérience fantastique. 

Ce qui est dingue, c’est que les jeunes filles sont alors préparées à avoir mal. Elles s’attendent à la douleur, car on leur a appris que c’était “normal”. Normal? Oui et non. La première fois peut faire mal mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. En effet, certaines femmes naissent sans hymen et il est aussi possible que ce dernier se déchire bien avant la première relation sexuelle. L’hymen, en réalité, ne prouve pas la virginité

Et puis, passée la première fois, avoir mal n’est pas du tout “normal”. La banalisation de la douleur lors du rapport sexuel est intériorisée alors que d’autres raisons physiques (vaginisme, sécheresse vaginale…) ou même psychologiques peuvent l’expliquer.

Tableau reprenant certains facteurs qui peuvent expliquer les douleurs lors des rapports sexuels tiré du site de la sexologue Alexandra Hubin (https://www.sexologiepositive.be)

Donc non, le sexe n’est pas censé faire mal. Et pourtant, 93 % des femmes déclarent avoir déjà ressenti au moins une gêne après un rapport sexuel (étude Baûbo en juin 2017). 93% c’est beaucoup, au point que Baûbo ait décidé de lancer une gamme de crèmes bio pour éradiquer toutes les gênes intimes. Avant, pendant ou après les rapports sexuels.

Le sexe, c’est impur

Si le sexe est connoté négativement, c’est aussi parce qu’il est parfois qualifié d’impur. D’ailleurs, les tests qui permettent de connaître son niveau de “pureté” font fureur sur les réseaux sociaux. Les résultats vont de « vous êtes pur », « vous êtes saint », « vous êtes normal », à “vous êtes immoral », « vous êtes vicieux », « vous êtes indécent », « vous êtes dépravé », « vous êtes dangereux », « vous êtes diabolique ». 

La pureté serait donc l’inverse du vice. Mais ça sort d’où, ça? 

Dans son ouvrage Corps de femmes: sexualité et contrôle social, Marie-Thérèse Coenen l’affirme: “Notre monde est encore fortement marqué par l’influence de l’Église”. Or dans les principes religieux, le sexe est un vice, un péché, une tentation à laquelle il faut résister. Dans le christianisme d’ailleurs, la virginité est si importante que Jésus est même né d’une mère… vierge.

Pureté: État de ce qui est sans défaut, sans altération. (Larousse)

Cela signifie-t-il que le sexe altère la pureté du corps? Que la pureté est synonyme de virginité? CQFD. 

Le réponse serait-elle le retour à la promesse de virginité?

“Je me suis dit : ce n’est pas franchement chrétien que la pureté soit localisée dans le vagin. Et puis c’est quoi cette culture où faire l’amour est impur ? Faire. L’amour.” 

https:// www.gqmagazine.fr/sexactu/articles/le-sexe-est-il-un-vice-/45906

Ce retour à la virginité serait-il la forme moderne de la libération sexuelle? Les mouvements d’abstinence, promesses de chasteté et autres bagues de pureté font leur retour en force, en particulier aux États-Unis.

Le paradoxe est à son comble. On en viendrait à penser, comme l’explique Yvonne Knibiehler, historienne et féministe, que, finalement pour reprendre le contrôle sur son corps, il faudrait choisir la virginité. Avoir le luxe de choisir de rester vierge, au lieu d’être “soumise” aux tentations et contraintes de la vie sexuelle. 

 

« La virginité est un désir d’autonomie et d’indépendance. Quand on accepte de se faire déflorer, on accepte de se rendre dépendante au sexe masculin. Une femme qui veut rester vierge n’accepte pas les transformations qu’un homme peut faire sur son corps. L’idée, c’est: « Je reste maître de mon corps et de moi-même. »Quelque part, c’est une forme de féminisme. La virginité était d’ailleurs interdite aux filles de l’Antiquité païenne. »

Extrait d’une interview de Yvonne Knibiehler pour le monde

Pourtant, cette idée émet un autre paradoxe: la virginité féminine est aussi un moyen de domination masculine, puisque déflorer une vierge reste un défi et une victoire pour certains hommes.  

Loin de moi l’idée de prêcher la virginité comme nouvelle norme, mais force est de constater qu’aujourd’hui, cette réflexion gagne du terrain dans une vision féministe de réappropriation de son corps. Et ce, malgré le fait que la virginité soit toujours fortement marquée par la religion et la domination.

Le sexe, c’est meilleur avec une gifle

Plus d’un tiers des femmes britanniques de moins de 40 ans disent avoir subi des gifles, des étouffements, des bâillonnements ou des crachats non désirés lors de rapports sexuels consensuels. Ces chiffres alarmants sont le résultat d’une enquête menée par la BBC en 2019. Une réalité récemment mise en lumière par le compte Culot Creative dans une série de stories Instagram (toujours disponibles en highlights!) sous forme de témoignages anonymes. Gifles, crachats, étrangement, morsures et autres sodomies sans consentement: les pratiques violentes et surtout non consenties (c’est la que ça coince) sont devenues monnaie courante et sont malheureusement passées sous silence. L’occasion de rappeler qu’un oui pour un rapport sexuel n’est pas un oui pour toutes les pratiques du rapport en question. Ces pratiques non consenties sont aussi des violences sexuelles et elles ne doivent pas être tues. 

« L’idée que l’agression est un élément “normal” de la sexualité masculine et que la passivité féminine ou le besoin d’une agression masculine est un élément “normal” de la sexualité féminine se retrouve dans la culture à domination masculine où nous vivons, dans les livres où nous nous instruisons, dans l’air que nous respirons.« 

extrait de l’ouvrage actions scandaleuses et rebéllions quotidiennes écrit par Gloria Steinem repris dans cet article

“La recherche a également suggéré que 42 % des personnes qui avaient été giflées, étouffées, étouffées, bâillonnées ou sur lesquelles on a craché lors de rapports sexuels consensuels se sentaient contraintes, obligées ou forcées à le faire.”

« C’est une épidémie silencieuse. Les gens le font parce qu’ils pensent que c’est la norme, mais cela peut être très nocif. Ce que nous voyons, c’est que pour beaucoup, cela dévalorise la relation mais – au pire – la violence devient acceptable.”

Extraits de l’article « Le sexe violent, une « épidémie silencieuse » liée à la pornographie »

Alors, le sexe, c’est si nul que ça? Ça dépend. Ce qui est sûr, c’est qu’avant de le condamner de but en blanc, il faut comprendre d’où viennent ces connotations négatives et apprendre à les déconstruire. Il faut oser parler des tabous et faire de son partenaire de lit un véritable allié. Parce qu’au final, lorsqu’il est consenti et désiré, le sexe c’est franchement pas si mal

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