Charge sexuelle, contraceptive, esthétique: trop lourd à porter?

« Pourquoi la sexualité est l’autre charge mentale des femmes? » C’est ce qu’on peut lire sur la couverture du livre La charge sexuelle, écrit par Clémentine Gallot et Caroline Michel. Comparer la sexualité à une charge, ça ne coule pas de source. Et pourtant, en y regardant de plus près: peur d’oublier de prendre sa pilule, de ne pas avoir mis de préservatif, d’attraper une ist, penser au frottis chez le gynécologue, être sûre d’avoir éradiqué tous les poils lors de l’épilation, d’avoir la peau douce, le ventre plat, d’avoir fait des galipettes au moins trois fois cette semaine, d’avoir mis ses plus beaux sous-vêtements (et d’y avoir laissé un salaire)  … La to-do list est longue avant de grimper aux rideaux l’esprit tranquille. Rassurez-moi, il se passe pareil pour Jules? Pas sûre.

Vous étiez 60% à ne jamais avoir entendu parler de la charge sexuelle sur le sondage Instagram. « Être responsable de la bonne vie sexuelle du couple », « se forcer à faire l’amour pour assouvir les besoins de son compagnon », « se dire qu’il faut faire l’amour autant de fois par semaine », « pression de la contraception », « sentiment d’obligation et de culpabilité lié aux relations sexuelles », « gestion de la contraception, achat de sous-vêtements ». Ce sont vos mots quand je vous parle de charge contraceptive et sexuelle. Parmi les réponses, une majorité de femmes. L’égalité serait-elle aussi une utopie quand il s’agit d’intimité? 


Quand la charge mentale s’invite au lit  

La charge sexuelle, c’est la charge mentale qui s’invite dans nos lits. Penser à tout ce qui est en lien avec la sexualité, le bien-être et la santé sexuelle du couple. Et il semblerait qu’elle repose une fois de plus sur les épaules des femmes. Ce serait l’extension, ou une déclinaison de la charge mentale. Elle englobe toutes les pressions liées à la sexualité: qu’elles soient esthétiques, ou encore contraceptives.

Cette pression, elle passe notamment par la performance. Il faut être un bon coup à tout prix. Comme si réussir sa vie passait par le fait de jouir. Mais jouir dans des positions dignes de Twister (le tapis, les ronds colorés … non?) Mais pas trop. Parce que trop faire l’amour, c’est mal vu, mais pas assez, ça ne va pas non plus. Cette pression semble plus présente chez les femmes que chez les hommes. Il faut dire qu’on part avec un handicap historique plutôt énorme. Sexualité, virginité, pureté, procréation, masturbation, hystérie, clitoris … Ça vous parle? (je te laisse aller lire cet article pour mieux comprendre). Pas facile de vivre sa sexualité en trainant ce boulet. La sexualité des femmes, leur désir, plaisir, leurs fantasmes et normes de beauté, tout est construit sous le prisme du plaisir masculin. (Vous avez déjà regardé un porno?) Il cadre d’ailleurs la majorité de nos rapports hétérosexuels: de la même manière qu’une phrase commence par une majuscule et se termine par un point: un rapport sexuel commence par l’érection et se termine par l’éjaculation. Point.

De la même manière qu’une phrase commence par une majuscule et se termine par un point: un rapport sexuel commence par l’érection et se termine par l’éjaculation. Point.

Donner, sans rien attendre en retour … 

L’Enquête sur la sexualité en France menée en 2006 révèle que « 9,2% des femmes affirment avoir des rapports sexuels même si elles n’en ont pas envie uniquement pour faire plaisir au partenaire, contre 2,4% des hommes ». (La charge sexuelle, Clémentine Gallot et Caroline Michel) Ces chiffres démontrent que l’idée selon laquelle le désir masculin serait nécessaire, vital et incontrôlable si non assouvi, contrairement à celui des femmes, est toujours bien d’actualité. Ils démontrent aussi que encore en 2021, certaines femmes vivent leur sexualité pour satisfaire celle de monsieur. Et ça passe par une autre to-do list assez longue: parler (petits soupirs et cris mais pas trop forts), éviter la traditionnelle étoile de mer, penser à la bonne pratique au bon moment, se renseigner sur les positions, pimenter les ébats, ou s’accommoder de pratiques pas très réjouissantes, voire douloureuses parfois … Serait-ce le retour du devoir conjugal

Encore en 2021, certaines femmes vivent leur sexualité pour satisfaire celle de monsieur.

Pas un poil qui dépasse

La charge sexuelle englobe toute une série de poids liés à la sexualité. On peut parler de charge esthétique quand on pense aux heures passées dans la salle de bain avant un date: gommage et hydratation pour une peau toujours plus douce, épilation et huile pour éviter les rougeurs, shopping pour de la belle lingerie (en y laissant un demi salaire), lingerie assortie, pas apparente, parfum, ventre plat, cheveux soyeux et autres vernis. Injonctions, normes de beauté, d’attirance et de séduction qui pèsent sur les femmes et sont omniprésentes dans les médias: des magazines aux publicités. 

Il est à noter que les hommes aussi subissent une pression sociale liée à la sexualité: performance, taille, fréquence, virilité, corps sculptés (on en parlera dans un autre article…). Finalement Françoise Dolto le résume parfaitement: « La sexualité est importante pour tout le monde, mais n’est facile pour personne. »

Le revers de la plaquette

Les années 60 sont un tournant pour notre société. C’est la révolution sexuelle, la libération de la femme. C’est la commercialisation et la légalisation de la pilule contraceptive et de l’avortement et l’ouverture des plannings familiaux. La sexualité se libère des contraintes, de la peur et du contrôle.  

Publication sur le compte Instagram @londonstreetart

Oui, sauf que aujourd’hui, ça sonne faux. Pourquoi le symbole de la liberté sexuelle est remis en cause? Son dark side est exposé au grand jour: Avc, cancers, prise de poids, migraines, perte de libido, troubles de l’humeur, sècheresse vaginale, les effets indésirables sont (trop) nombreux, et ça pose question. Dès leur plus jeune âge, on prescrit la pilule aux jeunes filles, sans les avertir de l’engrenage dans lequel elles rentrent pour toute leur vie. Parce que prendre un médicament tous les jours (sans être malade, d’ailleurs …) pour éviter de tomber enceinte, c’est un poids avec des conséquences lourdes. Et ce poids repose uniquement sur les femmes. Le choix est cornélien: le choix de la parentalité, du confort, de l’efficacité ou de la santé. En gagnant leur liberté, elles sont emprisonnées. Et c’est ça la charge contraceptive: être la seule à se soucier, à porter la responsabilité et à gérer le fait de ne pas tomber enceinte, en subissant les effets indésirables. Rares sont les partenaires qui s’en inquiètent. La contraception ne devrait-elle pas être un choix du couple? Arrêtez-moi si je me trompe: un enfant, ça se fait à deux, non? Finalement, la pilule est-elle un droit ou un devoir? 

En gagnant leur liberté, les femmes sont emprisonnées. Et c’est ça la charge contraceptive.

Est-ce ingrat de remettre en cause le combat que nos grands-mères ont mené? C’est ce que Sabrina Debusquat s’est entendu dire lorsqu’elle a publié le livre J’arrête la pilule. Et pourtant, il suffit de lire la notice de cette précieuse petite pastille pour que le questionnement prenne tout son sens…


Ces questions, je me les suis posées. Et spoiler alert: je n’ai pas trouvé de réponse. Dans un paradoxe total, il me serait insupportable de devoir demander l’avis de mon conjoint sur ma prise de pilule. En me documentant sur ces notions de charges sexuelle, esthétique ou contraceptive, j’y vois plus clair. Je me sens rassurée, aussi: « je ne suis pas la seule ». Ça existe, et quelqu’un lui a même donné un nom. Et nommer des injustices, des choses qui nous dérangent et qui nous pèsent, c’est un petit pas, mais c’est un pas en avant.

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