Le 18 janvier, j’apprends qu’une nouvelle femme vient d’être élue comme présidente du Parlement européen, une certaine Roberta Metsola, 43 ans, Maltaise d’origine. Je fus très heureuse d’apprendre que son fameux tweet « Il est temps que le Parlement européen soit dirigé par une femme » ait été entendu. Du moins, jusqu’au moment où j’ai pris connaissance qu’elle était anti-IVG.
Roberta Metsola au Parlement
Je m’interroge alors sur cette femme qui se dit conservatrice progressiste. Une femme au parcours brillant, qui gère de front multiples facettes de sa vie, comme son engagement dans la politique mais également son rôle de maman de 4 garçons. Pour arriver à cette place, elle a travaillé dur. Alors qu’elle étudie au Collège d’Europe (à Brugge), elle tente pour la première fois un mandat d’eurodéputée, alors qu’elle n’a que 25 ans. Elle n’obtiendra ce siège que 9 ans plus tard. Une femme qui est d’une motivation et d’une ambition sans faille. Le genre de femme qui pourrait m’inspirer au quotidien, soyons honnête!
Son engagement dans les droits LGBTQIA+, ses discours ayant pour but de promouvoir l’empowerment des femmes, sont alors ternis par son choix de s’abstenir lors du vote d’une résolution demandant à la Commission de criminaliser les violences envers les femmes, ou encore en votant toujours contre le droit à l’avortement. À savoir que Malte est le dernier pays européen où l’IVG est interdite et ce, peu importe les circonstances. Les femmes qui vont à l’encontre de cette interdiction encourent entre 18 mois et 3 ans de prison.
Il faut savoir qu’elle devient la troisième femme à être à la tête du Parlement européen, après Simone Veil et Nicole Fontaine. Ironie du sort ou non, Simone Veil avait promulgué la loi Veil dépénalisant l’avortement en 1975 en France alors qu’elle était ministre de la Santé sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing.
« Depuis des années j’étais sensibilisée à ce problème de l’avortement; pas seulement en tant que femme mais en tant que magistrat. Comme la plupart de mes collègues, j’étais effarée des drames dont je pouvais avoir connaissance. Et puis, l’attitude particulièrement réactionnaire de certains juges me choquait. Sévissait à l’époque un juge d’instruction, spécialisé dans les affaires médicales, qui s’acharnait à poursuivre les médecins ayant pratiqué des avortements afin de leur interdire l’exercice de la médecine »
(Simone Veil. Une vie p.159)
Un droit non acquis
L’élection de Metsola est donc mal accueillie par les mouvements défenseurs des droits des femmes, qui s’inquiètent fortement du pouvoir et de l’influence qu’elle pourrait avoir sur la question en Europe. En effet, le climat autour de ce droit est très fragile. Certains pays adoptent des législations restrictives en la matière, tels que la Pologne qui, aujourd’hui, n’autorise l’avortement que sous certaines conditions (en cas de viol, d’inceste, ou lorsque la mère est en danger). Comme le dit si bien Eloise Malcourant, il aurait été « nécessaire que le Parlement européen se positionne fermement à l’encontre d’une énième attaque au droit à l’IVG plutôt que de nommer à sa tête une personne qui s’y oppose. »
Toutefois, elle aurait promis de suivre « les décisions du Parlement sur ces questions-là », selon Malin Björl, un eurodéputé.
Bien évidemment, elle n’est pas la seule à être contre l’IVG. Ce 16 janvier a eu lieu, comme chaque année depuis 2005 en France, la marche pour la vie. Elle aurait regroupé 4 500 personnes selon la police sur place, et 20 000 selon les organisateurs. On pouvait y voir des pancartes brandies portant des slogans tels que : « Vivre est un droit, pas un choix ». Cette manifestation contre le droit à l’avortement fut interrompue par des militantes Femen. Arrivant en trombe, elles brandissaient non pas des pancartes, mais leur poitrine dénudée portant l’inscription « IVG, c’est sacré ». Elles ont été assez vite évacuées. Mais le message fut passé et très fortement relayé sur les réseaux. (Hé oui, rien n’arrête la magie d’Internet).
La réalité de l’IVG
Lors de cette marche, une certaine Marie, âgée de 17 ans, explique que, selon elle, « Aujourd’hui, on utilise l’avortement comme moyen de contraception ». Alors, qu’on soit pour ou contre l’avortement, remettons les choses dans leur contexte (mais franchement, soyez pour!):
220 000 IVG sont réalisées chaque année en France. Donc OUI, ça touche beaucoup de monde. 1 femme sur 3 aurait recours au moins une fois dans sa vie à cette pratique. Même si la tranche d’âge des femmes ayant le plus recours à l’avortement est celle de 20 à 30 ans, toutes les femmes en âge de procréer peuvent y avoir recours. Merci à la série « Plan Cœur » qui nous montre que même des parents qui ont des enfants peuvent décider d’arrêter une grossesse non désirée, comme c’est le cas du couple Émilie alias Milou et Antoine. (Big Up à cette série qui parle de nombreux problèmes sociétaux tout en offrant un contenu divertissant et amusant. Et sorry pour le spoil). Il faut également savoir que ¾ des avortements sont réalisés chez des femmes qui prenaient un moyen de contraception (hé toc, dans les dents Marie). En effet, aucune contraception n’est sûre à 100%.
Depuis toujours, les femmes ont recours à l’avortement. Cependant, avant qu’il ne soit dépénalisé, les méthodes utilisées n’étaient pas du tout sécurisées et pouvaient s’avérer dangereuses. Une femme qui veut avorter trouvera toujours un moyen d’y arriver.
Je reprends encore les paroles de cette grande dame Simone Veil :
« En revanche, j’ai rencontré chez les généralistes une quasi-unanimité en faveur de la loi. Quelles qu’aient pu être par ailleurs leurs convictions morales, ces hommes de terrain étaient effarés de voir les dégâts qu’entrainaient les avortements sauvages dans les couches populaires. Il fallait que la loi protège ces femmes »
(Simone Veil, Une vie ; p162)
Le droit à l’avortement n’est donc pas acquis. Nous devons restés vigilants et continuer à nous battre pour que ce droit si fragile s’ancre profondément et prenne racine dans nos sociétés. Je rêve que les femmes n’aient plus honte d’avoir recours à l’IVG. Je rêve qu’elles ne se sentent pas obligées d’y avoir recours en secret. Je rêve que cette phrase « my body, my choice » soit entendue à travers tous les continents de cette terre.
Je finirai cet article sur un tweet de Epsylonetatoo : « Si t’es contre l’avortement, bah avorte pas. C’est pas si compliqué. Y’a pas besoin de manifester pour que les autres fassent un choix qui ne te concerne même pas. »
Lire aussi:
- L’avortement: un droit trop fragile
- L’orgasme, meilleur ami du cerveau?
- Nudité/réseaux sociaux: tout est permis?
- Le sexe, c’est nul? Partie 01
- Charge sexuelle, contraceptive, esthétique: trop lourd à porter?
Sources :
- Isabelle Mourgere, pour TV5 monde. (15/01/2022). Roberta Metsola, une anti-avortement élue présidente du Parlement europée. Retrouvé sur https://information.tv5monde.com/terriennes/roberta-metsola-une-anti-avortement-la-tete-du-parlement-europeen-440502
- Eloise Malcourant, pour la Fédération des Centres de Planning familial des FPS. (19/01/22). Une ultra-conservatrice anti-IVG à la tête du Parlement européen: un réel danger pour les droits des femmes! Retrouvé sur https://www.planningsfps.be/une-ultra-conservatrice-anti-ivg-a-la-tete-du-parlement-europeen-un-reel-danger-pour-les-droits-des-femmes/
- Interview de charline.sage femme pour Brut. Retrouvé sur https://www.brut.media/fr/news/7-idees-recues-sur-l-ivg-f98dead0-0fd4-4c21-af7b-9010179c62bc
- Simone Veil. Une vie. Editions Stock. 2007
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