Danser à contre-courant: rencontre avec Justine Theizen, danseuse LGBTQIA+

À 24 ans, Justine Theizen est danseuse, chorégraphe et performeuse queer. Sur scène et sur les réseaux sociaux, elle brille par son talent et son humour. Suivie par plus de 76,8k personnes sur Tik Tok, Justine souhaite déconstruire les tabous autour de l’homosexualité et utiliser son influence pour mettre en avant une communauté sous-représentée. À Bruxelles, Nicole a eu la chance de la rencontrer pour parler de ses engagements.

Artiste, showgirl, influenceuse, militante pour les droits LGBTQIA+. Qu’est ce qui t’a amené à la place que tu occupes aujourd’hui?

Justine Theizen: J’ai commencé par des études de communication, puis technique de l’image. J’ai kiffé la pratique mais la théorie me faisait suer (rires). Je danse depuis toute petite. Parallèlement à mes études, j’ai continué à danser et donner des cours. Au bout de quelques années, j’ai décidé d’arrêter les études pour me consacrer à mon premier amour: le hip-hop. 

Tu es engagée et revendiques ton statut de femme queer, à quel point ton orientation sexuelle te définit?

Être lesbienne ne définit pas qui je suis mais ça fait partie de mon identité en tant que femme. Au quotidien, dans ma vie d’artiste ou encore sur Tik Tok, j’ai fait le choix de représenter la communauté queer. Je veux laisser une trace et œuvrer pour déconstruire les tabous autour des lesbiennes. C’est un vrai combat. Et puis…je suis une artiste. J’aime me mettre sur le devant de la scène (rires). Utiliser mon image pour mettre en avant mon combat est logique.

Qu’est-ce que le féminisme t’a apporté d’un point de vue personnel, collectif et professionnel?

Pour moi, c’est d’abord et avant tout de la solidarité. Quel que soit le milieu, on a besoin de représentations LGBTQIA+. On doit pouvoir se sentir safe et comprise. C’est important de partager nos expériences sans avoir peur du jugement.

Comparé à d’autres milieux, le milieu artistique semble davantage ouvert d’esprit et inclusif. Est-ce que ton parcours artistique t’a aidée et accompagnée dans la découverte de ta sexualité?

En fait, la communauté LGBTQIA+ est peu représentée dans le milieu urbain. C’est tabou et il y a peu de place pour les femmes queer. En Belgique, les lesbiennes « out » dans le milieu professionnel de danse urbaine se comptent sur les doigts de la main. Du côté des hommes, je n’en connais aucun. Beaucoup préfèrent se taire. Il n’existe pas ou peu de spectacles queer et rares sont les danseurs et danseuses qui osent s’afficher dans l’un d’eux. Heureusement, des mouvements comme krump belgium m’ont permis de prendre conscience que j’ai ma propre communauté au sein de ma communauté. J’ai été formé et entouré par des hommes. J’ai grandi dans le hip-hop mais ma communauté est avant tout celle des LGBTQIA+. En tant que femme queer, j’ai envie de dire que c’est ok même si personne n’en parle.

Comment le fait d’être lesbienne a joué dans ta trajectoire personnelle ou professionnelle?

J’ai toujours eu besoin de m’entourer de femmes et de nouer des liens avec celles-ci. Tous mes projets sont liés soit aux femmes soit à ma communauté queer. J’aime trouver et créer un sens à ce que je fais. À la fin de mon spectacle SEASONS lors du Festival Lezarts Urbains, plusieurs filles sont venues me remercier. Elles trouvaient ça cool d’être représentées. On a un peu échangé et c’était génial!

Ton compte Tik Tok compte plus de 76,8k d’abonné.es. Qu’est-ce qui a déclenché ton envie de parler de la question de la représentation des personnes LGBTQIA+?

Comme la plupart des gens, j’ai téléchargé Tik Tok lors du confinement. Ça m’a ouvert les portes d’un monde que je ne connaissais pas. J’ai commencé à suivre des personnes qui pensent comme moi, partagent les mêmes délires et la même réalité. J’ai rapidement voulu reproduire et participer aux tendances. À mon échelle, je veux montrer qu’il n’y a rien de tabou, qu’on peut en parler et en rire. Mes abonné.es sont souvent des jeunes, parfois des gosses de 13-14 ans, et je trouve ça génial de pouvoir les aider et les voir discuter et échanger en commentaire. 

Le cœur de tes vidéos, c’est la dénonciation des clichés, du manque de tolérance envers les LGBTQIA+ en général. Tu ne mets pas en avant uniquement les remarques directement homophobes ou violentes. Tu pointes aussi des formes d’homophobie plus discrètes…

La société est profondément hétéronormée. J’ai moi-même fait face à des commentaires homophobes de la part mon entourage. À l’époque, j’en ai rigolé. C’est bien plus tard que j’ai pris conscience de l’homophobie parfois inconsciente cachée derrière ces remarques censées être drôles. Les réseaux sociaux, dont Tik Tok, me permettent d’en parler et de pouvoir expliquer pourquoi elles sont problématiques. Les réseaux sociaux offrent une visibilité. C’est un bon outil pour éduquer les gens. Quand ça marche tant mieux, si ça ne marche pas c’est ok aussi.

Le cyberharcèlement arrive parfois très vite. Comment fais-tu pour gérer les haters?

J’ai des millions de vue. J’ai conscience que je m’expose à la haine mais je m’estime chanceuse car j’ai peu de haters. Il arrive que je reçoive des commentaires homophobes mais je suis surtout confrontée à des remarques déplacées ou maladroites. Quand je reçois des commentaires vraiment haineux comme des menaces de mort. Je les screen et je bloque l’auteur.trice. J’en parle ensuite avec les membres de ma communauté et aux allié.es pour les sensibiliser à la cause.

La catégorie LGBTQIA+ existe aujourd’hui dans les textes officiels, et dans les travaux féministes. Il y avait déjà la pensée lesbienne dans le féminisme, mais aujourd’hui, il y a aussi une volonté de montrer les imbrications des dominations. Il y a moins d’homogénéité des représentations et plus d’ouverture. Penses-tu qu’il est plus facile d’être « out » aujourd’hui qu’il y a dix ans? 

C’est plus facile de réaliser qu’on est gay mais le coming out est toujours un acte difficile à faire pour certain.es. Tant qu’il y aura des homophobes, ça restera quelque chose de difficile voire potentiellement dangereux. La discrimination existe malheureusement partout. Une personne LGBT pourra tout à fait provenir d’un milieu familial friendly et être discriminée sur son lieu de travail, ou inversement. Il existe des millions de situations diverses et variées et malheureusement il y a toujours un moment où ça « pique » quelque part.

Ces dernières années, les réseaux sociaux ont joué un grand rôle dans l’apparition des consciences non-binaire et genderfluid, fédérant une communauté invisible et invisibilisée. Le 17 mai dernier, lors de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, tu as annoncé sur ton compte Instagram que tu étais genderfluid. Peux-tu nous en parler?

Mon style est un outil d’expression. J’aime casser les codes. En étant genderfluid, je laisse les gens m’attribuer le genre qu’ils souhaitent. Je me suis toujours identifiée comme femme et c’est toujours le cas. Ma démarche est plutôt politique. Le genre est construit et j’ai envie de dire aux gens que c’est ok d’être cis, genderfluid ou non-binaire. Tout le monde fait ce qu’il veut.

Photo: © @mao.atth


Ses réseaux :

Instagram @justinetheizen

Tik Tok @justinetheizen 

Ses prochains spectacles :

Dragking performance, le 29 juin pour le Mama’s open mic à Zomerfabriek (Anvers)

RUUPTUUR de Mercedes Dassy, le 21 et 22 décembre au Théâtre de Liège

Rendez-vous mardi prochain, 8h ❤️

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