On ne peut plus nier l’impact de la téléréalité. Les histoires d’amour, de sexe, de rupture et de buzz rythment désormais notre feed Instagram et nos écrans. Mais qu’en est-il de l’image du couple hétéro? De la misogynie et du sexisme omniprésent? Des valeurs et des stéréotypes de genre?
Je commence par la vérité qui blesse: je regarde beaucoup de téléréalité, vraiment beaucoup. J’en suis une vraie consommatrice. Je suis assidûment la vie, les histoires d’amour, de tromperies, les cris, les clashs et les buzzs de ces anonymes devenus stars du jour au lendemain. Et même si j’enregistre les épisodes des Marseillais et regarde La villa des coeurs brisés pendant ma pause déj, ça ne m’empêche pas d’être consciente de l’image désastreuse, misogyne, sexiste et parfois violente de l’amour et du couple que renvoient ces programmes et leurs candidats.
Le candidat parfait
Ça commence par le choix des candidats fait par la production. Voici ce que Valérie Rey-Robert écrit dans son ouvrage: Téléréalité: la fabrique du sexisme : « Le critère invariable et essentiel dans la plupart des émissions à destination des adolescent.e.s est que les candidat.e.s soient jeunes et séduisant.e.s. Dans leur immense majorité, ils et elles sont hétérosexuel.le.s et valides. » En effet, les candidat.es sélectionné.es répondent à des critères physiques bien particuliers (on en reparle dans un prochain article!) et collent à l’idée de l’hétéronormativité. Ils se ressemblent tous.tes, sont hétéros et souvent issus du même milieu professionnel (le monde de la nuit).
C’est assez problématique car cela transmet aux jeunes une idée erronée de la société et des personnes qui la composent. Beaucoup ne peuvent pas s’identifier aux personnes présentes dans ces programmes.
Le buzz plus fort que tout
Ensuite, en parlant de choix des candidats, la recherche de buzz semble rester un critère prioritaire… au détriment des valeurs morales. On voit donc défiler sur nos écrans, programmes après programmes, des hommes au comportement violent envers les femmes. Certains ont gravement humilié ou battu une ou des femme(s). Ces faits étant prouvés et parfois même avoués par les personnes concernées. On pourrait croire que ces hommes n’apparaîtront plus en télé… ce n’est pas le cas. Certains candidats profitent même des accusations pour rebondir, intégrer de nouveaux programmes et voir leur nombre d’abonnés sur Instagram augmenter. Continuer à sélectionner des candidats misogynes et violents renvoie un message grave concernant les violences faites aux femmes: ça les banalise, les normalise et surtout ça enlève le poids de la parole et des témoignages des femmes. Il est important de montrer aux jeunes que ces violences ne sont ni normales, ni acceptables.
Culture du viol à l’écran
Énormément d’éléments de la culture du viol, si pas tous, sont représentés dans ces émissions. Comme l’explique Valérie Rey-Robert, « […] ces émissions sont regardées par des mineur.e.s à qui il est important de faire intégrer le respect absolu du non-consentement. Or, la plupart de ces émissions mettent régulièrement en scène le fait que, si un garçon insiste, les filles finissent par dire oui, parce que, au fond, c’est ce qu’elles souhaitaient dès le départ. » En effet, la culture du viol est alimentée par le casting sélectionné mais également par les images diffusées au public.
Les rapports entre hommes et femmes sont constamment ancrés de sexisme et de mécaniques de domination basés sur des stéréotypes de genre bien trop présents et dangereux. Il est fréquent de voir des images d’hommes qui interdisent à leur partenaire de sortir dans une certaine tenue (hello sexisme ordinaire). Je pense à Paga dans les Marseillais, qui ne comprend pas pourquoi sa compagne de l’époque, Ness, ne veut pas mettre des talons pour sortir en boîte. Spoiler alert: elle finira par craquer et en mettre. Mais également à Allan, dans La villa des cœurs brisés, qui demande à Belle de mettre un short d’homme au-dessus de son maillot pour aller à la plage. Ce sont des comportements qui n’ont pas lieu d’être et les diffuser à la télévision donne l’impression que c’est acceptable.
Le couple des années 50… en 2022
La téléréalité transmet des idées très conservatrices, loin des manifestations, des valeurs et des combats actuels. Regarder un programme de téléréalité en analysant bien le comportement des participants et les relations hommes-femmes, c’est faire un bond 50 ans en arrière. La femme doit avoir envie de se marier, d’avoir des enfants, de construire une relation stable avec un homme, de s’adapter aux besoins de son compagnon… tandis qu’un homme est viril, aime les femmes, aime avoir beaucoup de conquêtes avant de vouloir se poser et de trouver « la bonne », etc.
Le traitement des images en fonction des genres est très différent et frappant. Je prends ici un exemple très récent. Dans La villa des cœurs brisés, les filles et les garçons se retrouvent séparés dans deux maisons distinctes pour une « semaine de tentation » (oui, semaine de tentation.. je rêve de participer à un brainstorming pour trouver ces noms). Des prétendant.e.s sont envoyé.es pour tenter les candidats et voir si, ceux en couple, « craqueront » et « céderont ». Les images diffusées de la semaine des filles sont à l’opposé des images des garçons. Les filles sont dans l’attente, ne profitent pas, ne s’amusent pas, parlent des garçons en boucle et s’impatientent de leur retour. D’ailleurs pour 5 filles, uniquement 3 « tentateurs » ont été envoyés. À l’opposé, les garçons s’amusent, font la fête, profitent de la présence des tentatrices et décident tous de dépasser les limites fixées. Spoiler alert: pour 5 garçons, 5 tentatrices. Les jeux choisis, le nombre de prétendant.e.s par groupe… sont des éléments sélectionnés par la production et ont été très différents en fonction du genre des groupes.
Cela est très problématique quant à l’image renvoyée au public. Cet exemple confirme les propos de Valérie Rey-Roberts concernant les stéréotypes de genre renvoyés par la télé, « De manière générale, dans la téléréalité, les hommes sont montrés comme beaucoup plus compétiteurs que les femmes, plus intelligents et plus solidaires. Les filles semblent passer leur vie à parler des garçons, à se clasher à propos d’eux ou à tenter de les séduire. »
Tu l’auras compris, regarder la téléréalité, c’est comme analyser la société. Parce que l’impact de ces programmes sur les jeunes n’est plus à démontrer, j’aime me dire que regarder Les marseillais me permet de comprendre certains mécanismes. Elle semble opposer jeunes et vieux mais souligne finalement le fonctionnement de notre société à tous. D’un autre coté, j’ai parfois du mal à comprendre la diffusion de certaines séquences choquantes, violentes et sexistes. La limite entre télé et réalité est toujours plus mince, avec le prolongement des programmes via les réseaux sociaux. Les storys des candidats sont devenues des téléréalités à part entière, les clashs continuent après les diffusions et sortent de l’écran. Toujours plus trash, toujours plus sexiste, toujours plus régressif. Puis finalement, il n’y a que la réalité qui blesse.
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