« Et Mademoiselle », des mots qui résonnent

Aujourd’hui, j’ai besoin de vous partager mon quotidien plus que banal. Banal, oui, mais rythmé par un challenge quotidien: marcher seule dans la rue. Tous les jours, les mêmes questionnements viennent hanter mon esprit: quel endroit vais-je fréquenter? Quel chemin vais-je emprunter? Est-ce que j’ose mettre ces vêtements? … Pourquoi je me questionne autant? Parce que je sais qu’il y a une chance sur deux qu’une charmante phrase me soit adressée ou que des regards insistants soient posés sur moi. Et vous savez quoi? C’est lourd, dénigrant, fatiguant et beaucoup trop stressant.  

Relativisons, c’est juste de la drague…

Je suis loin d’être la seule femme victime: 9 femmes sur 10 âgées de moins de 35 ans ont déjà vécu un harcèlement dans un lieu public. Et là j’entends, « harcèlement, encore un mot beaucoup trop fort » (ou le fameux « On ne peut même plus draguer? »)

Quand tu me suis, que tu me dévisages, que tu me klaxonnes ou encore que tu me lances des bisous, tu m’interceptes de façon humiliante et irrespectueuse. Mais peut-être que le problème est que le harcèlement est trop souvent confondu avec de la drague. Un jeu de séduction se construit entre deux personnes contrairement au harcèlement où une des deux personnes n’est pas consentante. Je pense qu’il est important de bien comprendre ce qu’est un harcèlement. 

L’association Stop Harcèlement définit le harcèlement comme ceci: Le harcèlement de rue, ce sont les comportements adressés aux personnes dans les espaces publics et semi-publics, visant à les interpeller verbalement ou non, leur envoyant des messages intimidants, insistants, irrespectueux, humiliants, menaçants, insultants en raison de leur genre, de leur orientation sexuelle, de leur couleur de peau, de leur situation de handicap… 

Des rues pour les hommes

En parallèle avec l’article « Soumise, insoumise qui suis-je? », la thématique abordée autour de la domination masculine montre le sexisme intériorisé qui existe dans nos sociétés. L’homme a le droit de nous regarder et de nous désirer publiquement, c’est une normalité et une nouvelle fois, nous n’avons qu’à nous soumettre à ce regard masculin.  

De plus, il existe une conception masculine des espaces publics. Les femmes flânent beaucoup moins que les hommes dans les rues. Ces dernières ne sont, en aucun cas, adaptées pour nous. Nous savons que le harcèlement de rue existe depuis des années et pourtant peu de choses sont mises en place pour contrer cela.

À qui la faute? Il paraît si évident de pointer du doigt les responsables de harcèlement de rue et pourtant, combien de fois me suis-je sentie coupable lorsque des garçons m’ont klaxonnée, sifflée ou encore dévisagée. Je me disais, ma tenue est sûrement trop provocante, je n’aurais pas dû les regarder, si j’avais répondu, … Je suis victime et pourtant je me remets sans cesse en question, même pire, j’adapte mon comportement dans l’espoir de ne rien subir.

Je suis victime et pourtant je me remets sans cesse en question.

   

Rendons à César, ce qui appartient à César  

Depuis 2014, les formes de harcèlement sexuel et de harcèlement sexuel de rue commis dans des lieux publics sont punissables. « La loi stipule que toute personne ayant un comportement ou un geste, en public ou en présence de témoins, visant à considérer une personne comme inférieure ou à la mépriser en raison de son sexe ou encore de la réduire à sa dimension sexuelle, peut être punie » (Loi sexisme). Cette loi ne s’arrête pas uniquement au harcèlement de rue, mais également au harcèlement au travail et dans d’autres lieux publics. Cette loi fait suite au reportage de Sophie Peeters « Femme de rue » dénonçant tout ce que nous vivons quotidiennement.

Comme on dit, trois pas avant, trois pas en arrière… En effet, cette loi sexisme a dérangé au point de s’y opposer. Certains mentionnaient que celle-ci n’était pas claire et qu’elle pouvait entraver la liberté d’expression… Nous étions en 2016, 2-0-1-6!!!! Certains trouvaient donc que se faire insulter, regarder, et siffler étaient une atteinte à la liberté d’expression, mais pas pour la victime non, pour le coupable. Est-ce qu’on peut parler de monde à l’envers? Je pense.   

C’est exactement en apprenant ce genre de fait que nous pointons le réel problème: une société infligeant des responsabilités et contraintes aux mauvaises personnes. C’est pourquoi il est important de parler, de témoigner et de sensibiliser face à ce harcèlement de rue. C’est en dénonçant et en pointant les problèmes que les choses bougeront. C’est déjà le cas, c’est grâce aux femmes qui parlent que nous avons aujourd’hui une loi et des associations qui luttent contre ce harcèlement systémique. 

Laissez-moi marcher seule, dans le noir, en jupe sans avoir peur, s’il-vous-plait. 

Nous en revenons encore et toujours à la même conclusion: déconstruire les clichés en éduquant la société pour laisser place à la normalité et au respect. Beaucoup de choses sont mises en place pour nous protéger, mais nous ne demandons qu’une seule protection: éduquer les hommes et plus largement la société. Laissez-moi marcher seule, dans le noir, en jupe sans avoir peur, s’il-vous-plait


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