Un féminisme de façade

Le féminisme n’est plus ringard. Il est même devenu tendance. Vous avez sûrement pu le constater le 8 mars dernier lors de la Journée internationale des droits des femmes. « Girl Power », « We all should be feminist », « Girl can do anything », les slogans féministes ont pullulé sur les réseaux sociaux, sur les bannières des sites commerciaux et sur les vitrines des magasins. Il se peut même que vous arborez en ce moment même un t-shirt signé d’un de ces slogans. 

L’ère #MeToo et #BalanceTonPorc a permis au féminisme de gagner du terrain. Désormais, se définir comme féministe n’est plus ringard ou marginal. Et ça, les marques l’ont bien compris. Depuis quelques années, certaines marques usent et abusent du « féminisme washing ». 

Qu’est-ce que le « féminisme washing » ?

Comme son nom le souligne, l’expression « féminisme washing » est un dérivé du « green washing ». En résumé, c’est agir en tentant délibérément de cacher des faits désagréables ou discriminatoires envers quelque chose ou quelqu’un. Derrière cette pratique, les marques souhaitent convaincre les clientes d’acheter un produit, de soutenir une mesure ou bien de se construire une image plus positive. Bref, ce n’est ni plus ni moins qu’un leurre car cela ne présume en rien un engagement réel et concret.

Mode, cosmétique, luxe, déco… le « féminisme washing » est partout et se glisse sournoisement dans les garde-robes et les intérieurs des millennials. Cette manière de fonctionner pour inciter à consommer est parfaitement adaptée à Instagram et à la communication visuelle des jeunes générations. Pensez donc à votre t-shirt « Proud to be a woman » ou à l’effigie de Frida Khalo fièrement accrochée dans votre salon. Ce n’est finalement rien de plus que des objets auxquels les marques rajoutent du sens et qui octroient à celles qui le portent ou qui l’utilisent, les qualités qu’on leur associe.

Marques féministes ou mercantiles? 

Comment savoir qu’une marque est réellement féministe dans ses pratiques? Un produit qui contribue à enrichir une entreprise peut-il être féministe? Peut-on vraiment acheter des vêtements fabriqués au prix de la souffrance de nombreuses femmes en pensant les défendre?

Les marques veulent être tendance et veulent vendre sans pour autant avoir une cohérence digne de son nom. « Si une marque de luxe produit un objet à message inclusif mais à prix exorbitant, celui-ci rejette automatiquement les trois quarts des femmes, » souligne Alice Pfeiffer, journaliste de mode et autrice de «  Je ne suis pas parisienne » . Communiquer autour des valeurs positives de la féminité et de l’inclusivité, c’est bien. Mettre en pratique ces valeurs et respecter les droits des femmes, c’est mieux! Pourquoi ces marques continuent à moins bien payer les femmes que les hommes pour le même travail? Comment se fait-il qu’elles arrivent encore à contourner les lois de parité et d’égalité salariale?

Les objets à message ou logo font vendre, sont accessibles, populaires et sont destinés à un public de jeunes femmes. « Je suis féministe. Récemment, j’ai acheté un t-shirt « God is a woman » qui m’a tapé dans l’œil pour son slogan. Je le trouve chouette mais j’avoue que je ne me suis pas renseignée sur les valeurs de la marque,» explique Charlène, 28 ans. On peut donc déduire que même les féministes peuvent se laisser berner par de la poudre aux yeux. Florence, 22 ans, ajoute « Je trouve ça nul que les marques récupèrent la cause des femmes pour vendre leur marchandise. Je n’achète jamais ce genre d’objets. Si ça devait arriver, je me renseignerais au préalable ». 

Toutefois, les avis sont parfois nuancés. Rebecca Amsellem, activiste française et créatrice de la newsletter féministe Les Glorieuses, déclare « Je suis convaincue que plus les messages féministes seront visibles dans l’espace public, plus nous réussirons à normaliser cette pensée radicale qui consiste à affirmer qu’une femme devrait avoir les même droits qu’un homme. Certes, je préférais que le slogan soit gravé sur les frontons de nos institutions plutôt qu’imprimer sur un T-shirt que peu de femmes peuvent s’offrir. Mais je peux m’accommoder de cette transition ».

Mode et féminisme: l’équation impossible?

Sophie Theallet, styliste pour Michelle Obama, s’insurge « La mode est censée refléter la société et il a fallu tout ce temps à cette industrie pour se mettre au féminisme? Je ne me sens pas toujours en accord avec ce qui s’y fait, les bonnes idées sont toujours récupérées par des stratégies de marque. Ce que fait Dior aujourd’hui, c’est trop simpliste, je préfère le féminisme qui se sent et se voit à celui qui se montre. »

Le milieu de la mode se fait régulièrement attaqué par son manque d’inclusivité et de modernité. Malgré l’écrasante majorité de femmes dans les écoles de mode, la plupart des créateurs de mode sont des hommes. On continue de voir défiler des femmes blanches, cisgenres, aux formes filiformes. Les vêtements sont davantage conçus pour leur esthétique que leur praticité. La mode est bien loin d’être le miroir de la société. On se demande donc comment la mode peut-elle contribuer à l’émancipation des femmes lorsque on part d’un tel constat? Le chemin est encore long.

La mode est bien loin d’être le miroir de la société. On se demande donc comment la mode peut-elle contribuer à l’émancipation des femmes?

Le féminisme n’est pas un hobby

Le féminisme est un combat. Essayez de ne pas vous laisser berner pour un joli slogan. Soyez conscientes des mécanismes marketings afin de mieux consommer. Un joli post sur les réseaux sociaux d’une marque n’est rien de plus qu’une communication de merchandising. Renseignez-vous davantage en vous posant les bonnes questions et en cherchant les réponses. L’égalité salariale est-elle respectée dans cette entreprise? Combien de femmes siègent au conseil d’administration? Y a-t-il des preuves concrètes de leur engagement? Il est temps de s’affranchir d’un discours mercantile à récupération féministe. Le 8 mars 2023, vous porterez encore plus fièrement votre T-shirt « Proud to be a woman » !


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