Le couple, l’amour, Mona, Victoire et moi

La Saint-Valentin, c’était il y a seulement quelques jours et, cette fête, comme chaque année, m’amène à réfléchir et à remettre en question mes idées sur l’amour. Si le 14 février est certes, une fête commerciale, ce jour n’est-il pas l’occasion de célébrer l’amour sous toutes ses formes? Je suis intimement convaincue que cet événement doit mettre en avant l’amour avec un grand A, ce qui signifie, selon moi, la relation qui, pour chacun, mérite une attention particulière. Unpopular opinion:  pas besoin d’être en couple pour adorer le 14 février… Et si vos relations familiales et amicales, au même titre que les couples, avaient elles aussi le droit d’être mises à l’honneur? Et si le couple tel qu’on le connaît n’était pas si parfait?

Un jour mon prince viendra

Rien de plus agaçant que les réflexions aux repas de famille comme: « alors les amours? » Comme si le couple était le but principal d’une vie. Comme si le fait d’être célibataire, était un état d’entre-deux, une période d’attente avant l’arrivée de la personne qui viendra vous délivrer de cette situation… Et si le célibat, pouvait être un mode de vie choisi par la personne concernée? Et si la relation amoureuse n’était pas le but ultime de chacun? Comme l’exprime Victoire Tuaillon, dans son podcast « Le Cœur sur la table », « le couple, c’est la relation à laquelle on associe le sentiment amoureux dans notre société. » C’est la norme, une institution fondamentale.

Difficile de s’imaginer choisir le célibat dans une société où nous sommes complètement inondés de contes, de films et de séries prônant la quête d’amour à tout prix et en priorité par rapport au reste. La culture nous façonne. Le schéma idéal d’une vie serait, selon cette idée, constitué des étapes suivantes : la recherche et la rencontre du partenaire idéal, l’emménagement à deux, le mariage, les enfants et ils vécurent heureux… vous connaissez la suite. Or, de nombreux modes de vie existent

L’amour sous le même toi(t)

Prenons, par exemple, l’injonction de vivre à deux quand nous sommes en couple. Ce n’est pas une envie pour l’entièreté de la population. Selon Mona Chollet, dans son essai « Réinventer l’amour »,  « Bien sûr, on peut chérir et vénérer la personne avec qui l’on vit, de même qu’on peut habiter seul(e) et être un(e) psychopathe à l’âme froide. Mais on peut aussi habiter seul(e) et être éperdument, passionnément engagé(e) à l’égard de quelqu’un, de même qu’on peut vivre en couple par confort, par paresse, par conformisme, parce qu’on n’a pas les moyens ou pas le courage de déménager. […]. » Et c’est ok de vouloir vivre comme on l’entend. L’idée est la même pour l’envie d’avoir des enfants ou non. Ce n’est pas un besoin irrépressible pour chaque femme ou chaque couple.

Autre idée, autre injonction: une femme dévouée à son boulot et qui y passe beaucoup de temps est souvent associée à une femme qui néglige sa relation amoureuse au profit de son travail. Mona Chollet rapporte les propos de bell hooks à ce sujet: « Les gens ne peuvent pas accepter que nous soyons aimantes et passionnées par notre travail. Ils sont incapables de voir que ces deux passions se renforcent mutuellement, et ils tentent de nier tout droit à l’amour. » Aimer son boulot ne signifie pas moins aimer son compagnon.

Couple hétérosexuel: une soumise, un dominant?

Comme expliqué dans l’article de la semaine dernière, la société patriarcale continue d’influencer notre manière de voir le couple hétérosexuel et d’envisager les relations. La femme est souvent vue comme inférieure à l’homme. Manon Garcia dans son livre « On ne naît pas soumise, on le devient » rapporte les propos de Catharine MacKinnon, avocate et juriste américaine. Selon elle, « le masculin et le féminin sont créés à travers l’érotisation de la domination et de la soumission. […] La domination et la soumission sont des attitudes à partir desquelles la différence des genres est construite. »

C’est avec cette idée bien ancrée, que nous continuons à nous lancer dans des relations amoureuses. Une base qui s’avère « légèrement » dépassée et qui nécessite une mise à jour, direction 2022. Selon Mona Chollet, « l’infériorité féminine est comme encapsulée dans notre imaginaire amoureux. » En effet, pour correspondre à l’idéal masculin, une femme doit être mince mais avec des formes, elle doit être athlétique mais pas trop musclée, elle ne doit pas être trop grande (en tout cas pas plus que son compagnon)… Mais cela ne s’arrête pas uniquement à des critères physiques. Il faut également prendre en compte les aspects professionnels et économiques. Et oui, car, encore aujourd’hui, certains hommes ont du mal à moins gagner leur vie que leur compagne… Tout comme ils n’apprécient pas l’idée que leur femme ait un meilleur statut ou une meilleure position hiérarchique. Victoire Tuaillon, dans son podcast, décrit ces éléments comme des micro-machismes, « ce sont des oppressions invisibles mais aux effets bien réels. » Cela se traduit par différents comportements. C’est, par exemple, le fait, pour les hommes, d’invisibiliser les femmes, de ne pas valoriser leurs succès, ou de les faire douter d’elles-mêmes… C’est, selon la journaliste, le « continuum de la domination masculine. »

Pour essayer d’échapper à ce rapport et développer des relations plus saines, Victoire Tuaillon a développé plusieurs techniques dont celle « du miroir ». Pour cela, elle s’est inspirée de la féministe américaine, Gloria Steinem. Cette dernière « explique que l’état de romance, qu’il soit désagréable ou exaltant, nous parle toujours plus de nous que de l’autre. » Selon elle, nous sommes intéressés par des personnes qui ont des qualités que nous n’avons pas su développer. Victoire Tuaillon partage la technique de Gloria Steinem : « pour essayer de comprendre ce qui vous manque, ce dont vous avez vraiment besoin, écrivez, sans trop réfléchir, toutes les qualités que vous recherchez chez un partenaire idéal. » Les éléments écrits seraient en fait la description de la partie de nous-même qui cherche à grandir. Victoire Tuaillon termine son épisode sur la soumission avec un espoir: celui que « l’amour ne se [confonde] plus avec l’aliénation, ni la romance avec la soumission. » C’est une façon de questionner nos relations amoureuses.

La faute à qui?

Il y a une raison claire pour laquelle nous répétons ce schéma sans se poser trop de questions: notre culture. Dès notre plus jeune âge, nous avons été élevés dans une société dite hétéronormée et patriarcale. L’hétéronormativité se définit comme un mode de pensée dans lequel l’hétérosexualité est la seule orientation sexuelle possible. Nous sommes tous d’accord pour dire que cette façon de réfléchir est complètement dépassée. Mais nous sommes tellement conditionnés par notre culture, qu’il nous est difficile de nous défaire de certains schémas

Selon Mona Chollet, «  [un facteur qui créé des déséquilibres dans le couple] est ce que chacun a intériorisé quant à son rôle; à sa valeur et à ce qu’il est en droit d’attendre de l’autre en tant qu’homme ou en tant que femme. Dans le tête-à-tête qui s’instaure, chacun apporte ce que la société lui a inculqué à ce sujet. » En effet, nous avons des attentes quant au rôle que joue l’homme ou la femme dans le couple. Le premier est confiant et en supériorité. Tandis dis que, selon la journaliste, « aux antipodes de cette assurance masculine, les femmes intègrent très tôt une tendance à pratiquer l’introspection et à se remettre en question […] mais aussi à douter d’elles-mêmes, à se culpabiliser sans cesse, à penser que tout est de leur faute ou de leur responsabilité, à s’excuser d’exister […]. » Ces idées intégrées dans la tête des membres d’un couple, sont une balle dans le pied supplémentaire lors de la construction d’une relation amoureuse.

Dans le podcast « Les couilles sur la table », et plus précisément, l’épisode « L’amour c’est pas pour les garçons », Kevin Dethier, chercheur, interrogé par Victoire Tuaillon explique que les jeunes garçons apprennent dès leur plus jeune âge que l’amour c’est « un truc de fille ». S’y intéresser remettrait alors toutes les caractéristiques masculines du jeune garçon en question. Tandis que, de l’autre côté, les petites filles sont bassinées par des histoires d’amour. Cela est problématique pour la construction de leurs relations amoureuses futures. La journaliste Mona Chollet, le résume parfaitement: « […] en abreuvant les filles et les femmes de romances, en leur vantant les charmes et l’importance de la présence d’un homme dans leur vie, on les encourage à accepter leur rôle traditionnel de pourvoyeuses de soins. » Conditionnées pour donner tandis que les hommes, eux, le sont à recevoir. L’idée de la nécessité absolue d’un homme dans sa vie, pousse la femme à se sacrifier et à faire énormément de compromis pour le bien du couple. Ce qui n’est pas forcément le cas de la part de son compagnon…

Chérir ses relations

Comme introduit en début d’article, le terme d’amour est varié. Il inclut également les relations d’amitié ou familiales, parfois plus fortes que des relations amoureuses. Dans notre société, le couple est mis en priorité. Nous sommes nombreux à avoir dans nos connaissances des personnes qui dès leur mise en couple, sont moins présentes pour leurs amis. Et chacun est libre de faire ce qu’il souhaite. Cependant, ne faudrait-il pas normaliser le fait de chérir nos relations amicales et de la possibilité de les mettre sur un pied d’égalité voir supérieur à d’autres types de relation? C’est impressionnant d’observer la puissance que peuvent avoir la sororité et la fraternité. S’encourager, se pousser vers le haut… ces relations nous enrichissent et elles méritent d’être mises à l’honneur et, pour certaines personnes, d’être considérées plus importantes que leur avenir amoureux.

Être en couple, être(s) entiers?

Ce qu’il y a de frappant quand on parle de couple, c’est qu’on emploie souvent le terme de « moitié » pour définir son partenaire. Comme si, sans l’autre, nous étions incomplets. J’ai tendance à penser que c’est une façon erronée d’être romantique. La clé pour des relations plus saines résiderait dans le fait de prioriser son bien-être personnel et ainsi, en conséquence, permettre à l’autre d’être heureux lui aussi. La journaliste Mona Chollet, rapporte les propos de Scott Peck, auteur de développement personnel, à ce sujet: « [l’amour est] la volonté d’étendre son moi dans le but de nourrir sa propre croissance spirituelle et celle de l’autre ». Être heureux et ainsi, travailler à rendre l’autre, lui aussi, heureux, serait une façon de repenser les relations. Un win-win. Un échange qui permettrait aux deux amoureux de connaître le bonheur en tant qu’identités distinctes ET en tant que couple.

Pour construire des relations plus égalitaires, Mona Chollet explique qu’il faut également prendre conscience qu’une femme n’a pas à devoir faire un choix entre son épanouissement amoureux et son intégrité personnelle « – comme si l’un était possible sans l’autre; comme si on pouvait connaître le bonheur, donner et recevoir de l’amour à partir d’un être tronqué. » Et si la base d’un couple sain était de se chérir, de se connaître et de s’aimer soi-même avant de pouvoir porter et soulever l’autre. Et s’il fallait s’aimer soi-même pour être capable d’aimer l’autre à sa juste valeur?


Au final, l’amour, selon sa définition tirée du Robert, c’est « le sentiment vif qui pousse à aimer (qqn), à vouloir du bien, à aider en s’identifiant plus ou moins. » Alors libre à vous, d’aimer qui vous le souhaitez et de définir le sentiment amoureux comme vous le ressentez. Et si l’on décidait de casser les codes et de repenser nos relations ?


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