MAIS NICOLE, DE QUOI TU PARLES ? – PARTIE 01 –

Vivons-nous dans une société patriarcale? 93% pensent que oui, 7% sont convaincus du contraire. Pourquoi la réponse à cette question nous semble si complexe? Alors, le patriarcat: un mauvais souvenir de l’Histoire? Une réalité un peu trop sournoise? Existe-t-il des sociétés matriarcales? Et si on redéfinissait tout ça, pour démarrer 2021 sur des bonnes bases?

Le patriarcat fait partie intégrante de l’Histoire, c’est indéniable. Bien que le droit de cuissage et les mariages arrangés soient (presque) de l’histoire ancienne, la domination masculine est encore bien présente dans notre société. Mais peut-on parler de patriarcat? Sinon, de matriarcat? 

Mais Nicole, de quoi tu parles? Pas de stress, on décrypte tout ça. 


Le patriarcat, entre sociologie et religion

Une définition s’impose. Le Larousse définit le patriarcat comme une forme d’organisation sociale dans laquelle l’homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille, par rapport à la femme. Le Robert, lui, nous dit que le patriarcat est en sociologie, une forme de famille fondée sur la parenté par les mâles et l’autorité prépondérante du père. Une organisation sociale fondée sur la famille patriarcale (opposé à matriarcat). Tous s’accordent donc pour dire que le patriarcat désigne un système social dans lequel les hommes dominent

Du coté de son étymologie, le mot « patriarcat » vient du latin patriarkhês qui signifie le père, le chef de famille, lui-même venant de pater et du grec arkhê, pouvoir, commandement.

De façon plus large, le terme patriarcat se retrouve donc dans deux domaines: la religion et la sociologie. Dans l’Ancien Testament, le terme patriarcat fait allusion au territoire, sa juridiction et son autorité par un patriarche, le chef de famille. Il représente donc le territoire du patriarche et son autorité. Il est incarné par le chef de certaines églises. En sociologie, il définit une organisation sociale. Le patriarcat comme tel dit que l’homme en tant que père détient l’autorité au sein de la famille, anciennement du clan. L’autorité est perpétuée avec la descendance mâle et la transmission du nom. 

On peut souligner que la notion de « chef de famille » et donc d’autorité de l’homme sur la femme n’est pas si ancienne. En effet, en France, c’est la loi du 4 juin 1970 qui la supprime au profit de l’autorité parentale conjointe. C’était il y a à peine 50 ans …

« Le garçon fait une offre aux parents »

Inutile de rappeler que anciennement, le père détenait l’autorité sur sa fille puis la transmettait à son mari. La femme appartenait au père ou au frère avant de passer aux mains de son mari. Cette main-mise sur le corps de la femme est un élément crucial du patriarcat. La femme était un objet vendu pour un « bon » mariage pour ensuite accueillir la semence de l’homme et porter les enfants… Certains peuples perpétuent ces pratiques, comme en Bulgarie, où a lieu chaque année le « Marché aux épouses ». (« Le marché aux épouses en Bulgarie« , reportage ARTE Regards) Les parents y présentent leurs filles pour les vendre à un potentiel mari

Cette main-mise sur le corps de la femme est un élément crucial du patriarcat.

En Inde aussi subsistent encore des traditions patriarcales très strictes. Le père, chef de famille, choisit le mari de ses filles dès leur puberté. Ce mari doit appartenir à la même caste que leur famille. La virginité de la jeune fille est obligatoire, le moindre doute est synonyme de « test de virginité » ou d’annulation de l’union. Le mariage représente un rituel de don durant lequel le père donne sa fille au futur mari. Après le mariage, la jeune mariée devra impérativement s’installer dans le domicile de son nouveau mari et se plier aux règles de sa famille. Son devoir est de donner des enfants, si elle échoue, elle est considérée comme une honte et comme une personne maudite et impure.

Une réalité complexe

Je vous ai posé la question sur Instagram: sommes-nous dans une société patriarcale? Vous étiez 93% à répondre que c’était le cas. Seulement 7% pensent le contraire. Dans ces 7%, que des hommes. Alors, peut-on réellement formuler une réponse claire

C’est plus complexe qu’il n’y parait et cela n’engage que moi. En effet, le patriarcat est à envisager sous différents angles et différents domaines. Affirmer que la domination masculine existe, oui. Constater que les postes de pouvoir sont majoritairement occupés par des hommes (et que le contraire est systématiquement souligné), aussi. Patriarcat et capitalisme, patriarcat et famille, patriarcat et politique, une analyse de notre organisation sociale doit prendre en compte plusieurs facteurs. Je ne m’aventure pas sur ce terrain dans cet article (c’est la rentrée, vous ne m’en voudrez pas…). Et en toute transparence, je suis encore en train de construire ma propre analyse. D’ailleurs, voici quelques uns des livres qui m’aident: « La domination masculine » (Pierre Bourdieu), « On ne naît pas soumise, on le devient » (Manon Garcia). 

Sommes-nous dans une société patriarcale? Vous étiez 93% à répondre que c’était le cas. Seulement 7% pensent le contraire.

Matriarcat, un mythe? 

Le matriarcat peut être envisagé comme le pendant du patriarcat, avec le suffixe arca qui signifie commander. Cependant, d’après Heide Goettner-Abendroth, dans son livre « Les sociétés matriarcales », il serait plus correct de comprendre le suffixe arca selon son premier sens: « début ». Le terme matriarcat signifierait donc « mère depuis le début ». Selon elle, les femmes sont le début naturellement et la domination n’est pas nécessaire. Elle refuse donc de voir le matriarcat sous le prisme de la domination masculine, et donc comme le contraire du patriarcat. 

D’après Françoise Hériter, la société qui serait la plus proche d’un système matriarcal serait les Iroquois. Selon l’anthropologue, on parlerait plutôt de société matrilinéaire. C’est-à-dire une société où les hommes ont le pouvoir mais les femmes font rôle de filiation.

En effet, les Iroquois fonctionnent sur une organisation dite matrilinéaire et matrilocale. C’est-à-dire que la mère détermine le lignage. C’est donc le nom de famille de la mère qui est transmis, ainsi que l’héritage. Le terme « matrilocal », signifie qu’une fois marié, c’est l’homme qui emménage chez son épouse, dans son village et non l’inverse. Les enfants deviennent ensuite des membres du clan maternel dont le chef est choisi par les femmes. Cependant, leur rôle est surtout important quand les hommes partent à la chasse ou à la pêche et elles n’ont pas le contrôle total sur les affaires militaires par exemple. 

Dans d’autres sociétés, telles que les Moso en Chine, la femme joue un rôle prépondérant. Il y aurait en réalité bien plus de société matriarcales qu’il n’y parait… Ça demanderait un article


Finalement, sommes-nous automatiquement dans un système ou dans l’autre? Existe-t-il un équilibre? Bien que certains s’accordent pour dire que le patriarcat est toujours une réalité bien trop présente, d’autres y voient une évolution, et la lente mort du patriarcat. Éduqués dans cette société en demi-teinte, sommes-nous en train de créer une nouvelle organisation sociale? Avec pour leitmotiv, l’égalité, l’équilibre, et une vraie place pour chacun? Affaire à suivre… 

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