FEMMES ET PUBLICITÉ: L’ÉQUATION IMPOSSIBLE

As-tu déjà eu un orgasme en te lavant les cheveux? Non?! Moi non plus. Et pourtant, si on croit la publicité Herbal Essence, c’est ce qui devrait nous arriver… Comment en est-on arrivés à lier orgasme et shampooing? Sexe et farine? Nudité et voiture? 

Ce n’est pas un scoop: l’image de la femme dans la publicité n’est pas réjouissante. Entre la ménagère idéale qui tient son balai-aspirateur tout en restant sexy et la pin-up qui vend du saucisson en tenue légère, la féminité y est hypersexualisée et totalement déconnectée de la réalité. Au cours des siècles, la publicité a souvent banalisé la “chosification” de la femme, les violences conjugales ou les agressions sexuelles. Comment en est-on arrivés là?


Filles de pub

Avant de débattre, on peut déjà se demander si la publicité nous influence vraiment. Les images qu’on nous montre à voir entre deux épisodes de Koh Lanta ou deux pages de notre Cosmopolitan ont-elles réellement un impact sur nos mentalités et nos comportements? Malheureusement, oui. D’après une étude menée par Arnaud Pêtre, chercheur et professeur de neuro-marketing à l’UCL, la publicité crée des stimuli que l’on mémorise et qui modifient inconsciemment nos comportements. Notre style de vie, nos idéologies et nos comportements sont influencés par ces signaux commerciaux.

Notre style de vie, nos idéologies et nos comportements sont influencés par ces signaux commerciaux.

Et ils sont nombreux: le professeur Pêtre les a même comptés. En recensant uniquement la publicité à la télévision, nous sommes exposés à 350 messages publicitaires par jour. Si on ajoute la consommation de plusieurs médias en simultané (internet sur plusieurs écrans), les messages plus lointains (sponsoring, placements de produits, enseignes de magasins ou logos) nous pouvons affirmer, en sous-estimant le chiffre, que nous sommes exposés à plus de 15 000 stimuli commerciaux par jour. Notre pauvre cerveau…

Plus qu’un produit: un style de vie

Comme le dit l’activiste pionnière du droit des femmes Jean Kilbourne dans sa conférence TEDx “The dangerous ways ads see women”, cet impact va plus loin que des actes commerciaux. La publicité fait plus que nous vendre un produit. Elle nous vend un style de vie, une idéologie, une norme sociale même. Les médias transmettent un message, des définitions qui influencent nos relations sociales et nos comportements à long terme. 

Et c’est bien ça le problème. Si la publicité nous vend une idéologie et une norme sociale, quid de l’image de la femme? Que nous dit la pub à propos du sexe féminin? Elle dit que la femme équivaut à un sexe, à un corps. Et que ce corps équivaut à un objet. Charmante équation… 

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Source: Unsplash

Femme = sexe

Si les femmes apparaissent souvent dénudées ou dans des positions lascives, même pour une publicité pour du fromage de chèvre, c’est pour une raison très simple:  le sexe fait vendre! C’est la raison pour laquelle on retrouve des femmes hypersexualisées dans les publicités. HypersexuQUOI? Passons à un peu de théorie (pas trop, promis!). D’après le CRIOC (Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs du Québec), l’hypersexualisation consiste à donner un caractère sexuel à un comportement ou à un produit qui n’en a pas en soi. Elle se caractérise par un usage excessif de stratégies axées sur le corps, dans le but de séduire et apparaît comme un modèle de sexualité réducteur. L’hypersexualisation est diffusée par les industries à travers les médias, qui s’inspirent des stéréotypes véhiculés par la pornographie: homme dominateur, femme-objet séductrice et soumise. Voilà comment on se retrouve à regarder une femme en plein orgasme alors qu’elle se lave les cheveux…

L’hypersexualisation est diffusée par les industries à travers les médias, qui s’inspirent des stéréotypes véhiculés par la pornographie: homme dominateur, femme-objet séductrice et soumise.

Femme = corps

Autre fact: les spots publicitaires représentent souvent le corps féminin de manière fragmentée. On ne voit que des seins généreux, des crinières parfaites ou des jambes longilignes perchées sur des escarpins vertigineux. Rarement des visages, contrairement aux hommes. Quand une femme est représentée en entier, elle incarne souvent un personnage anonyme, mis en scène dans sa vie de famille mais rarement dans une position d’experte ou de source d’information.

Corps = objet 

C’est l’équation la plus violente envers la femme, celle du corps de la femme qui équivaut à un objet. La publicité emprunte des codes jusqu’ici réservés à la pornographie: domination, violence, sadomasochisme ou bestialité. La femme y est soumise, femme-objet, sujet de désir. Pourquoi? Parce que c’est provoquant, que ça attire, que ça repousse les limites et donc… Que ça fait vendre.

Les médias deviennent les intermédiaires du transfert de ces codes. On parle même de porno-chic. Et depuis notre plus jeune âge, on nous coltine ces images publicitaires en nous faisant croire que c’est la norme. Une manipulation tacite qui continue de modeler notre société. Mais jusqu’à quand?

Changeons l’équation!

On l’a compris: dans l’univers impitoyable de la publicité, la féminité se voit donc réduite à un corps dont on se sert pour vendre. C’est contre cette réalité que lutte Stevie Schmiedel, fondatrice allemande de l’association Pinkstinks. Elle a lancé une application qui permet de signaler les publicités à caractère discriminatoire envers les femmes. 


Il est devenu indispensable de contester ces images que nous renvoient la publicité. De s’efforcer de ne pas les laisser devenir la norme. Et de garder en tête cette petite équation quand on regarde la télé… en espérant que sa formule change bientôt. 

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