Comment nos mots participent à la culture du viol

Je ne vais pas te l’apprendre, la culture du viol fait partie intégrante de notre société et cela a de nombreuses répercussions sur notre manière d’envisager les violences sexistes et sexuelles. Il est nécessaire d’utiliser les bons mots pour comprendre l’ampleur systémique de ce type de violences.

La culture du viol, ce fléau

Malheureusement, notre société regorge d’attitudes et de comportements qui minimisent les violences sexuelles. Selon la définition de Noémie Renard, autrice du livre En finir avec la culture du viol,  « la culture du viol est un ensemble d’idées reçues, de clichés, de représentations qui contribuent à excuser, banaliser, érotiser voire encourager les violences sexuelles et qui conduit à culpabiliser les victimes plutôt que d’interroger la responsabilité de l’agresseur. » Ce sont , par exemple, toutes ces réflexions que vont se prendre en pleine figure les victimes lorsqu’elles se confient sur leur agression. Ces fausses idées reçues continuent d’être diffusées quotidiennement dans les médias, véhiculées dans de nombreux films et publicités. Mais pas seulement… Ces stéréotypes circulent également dans nos entourages et dans la société. Tout cela crée un cercle vicieux constamment alimenté. 

La victime, ce coupable idéal

Faire culpabiliser la victime, c’est un des ingrédients de la culture du viol. Quand nous parlons d’une agression sexuelle, nous avons tous déjà entendu: « en même temps, vu la longueur de sa jupe… » ou encore « c’est sûr, elle avait trop bu ». Cela ne fait qu’agresser la victime une seconde fois. On parle de double peine. Rappelons que ce traumatisme est déjà amplement suffisant et qu’elle ne mérite en aucun cas de subir ce genre de réflexions. C’est ce que l’on appelle le victim blaming ou double victimisation, autrement dit poser la faute et la culpabilité sur la victime pour un acte dont elle est purement et simplement …la victime.

Faire culpabiliser la victime, c’est un des ingrédients de la culture du viol.

Ce phénomène reporte la culpabilité sur la personne agressée et non sur l’agresseur. Et c’est là que cela pose problème. En effet, les victimes ne méritent pas ce qui leur est arrivé peu importe la situation dans laquelle elles étaient. Comme l’explique Rose Lamy, dans son livre, Préparez-vous pour la bagarre, « on attend des victimes qu’elles soient moralement irréprochables, sexuellement peu actives, habillées sobrement, qu’elles ne consomment pas d’alcool ou de stupéfiants, ne s’aventurent pas seules ou tard dans l’espace public et aient un comportement exemplaire au moment de l’exercice de la violence et après, en présence des forces de police, qu’elles ne manqueront pas d’interpeller dans un délai évalué raisonnable, lui aussi. » Oui car, le fait de porter plainte deux semaines plus tard, par exemple, sera directement jugé par la population non consciente de la problématique, estimant que cela aurait dû être fait bien plus tôt. Bref, tout est orienté pour éviter de regarder le problème, qui n’est autre que l’agresseur, directement dans les yeux. Rappelons également que, selon un sondage d’Amnesty International et de SOS viol (2020), un homme sur cinq pense que les femmes aiment être forcées. Ces raisonnements toxiques banalisent les violences. L’angle d’attaque doit fondamentalement se tourner vers la personne responsable de l’agression et non vers la victime.


La dangereuse case du fait-divers

Les médias ont un rôle immense à jouer dans la lutte contre la culture du viol. En effet, les journalistes, les mots et l’angle qu’ils utilisent ont une très grande influence sur le vocabulaire qu’utilisera la population lectrice ou spectatrice pour parler de ces nouvelles. Malheureusement, les féminicides, les violences sexistes et sexuelles ont longtemps, et sont toujours, souvent, rangés dans la case fait-divers. Rappelons la définition d’un fait-divers selon le Larousse: événement sans portée générale qui appartient à la vie quotidienne. Je trouve cette définition utile car celle-ci nous permet de comprendre pourquoi les violences sexuelles n’appartiennent pas à cette catégorie.

En effet, il s’agit d’un problème sociétal qui doit être rangé dans la « case société » afin que le public comprenne l’enjeu de cette problématique et l’importance de la traiter à sa juste valeur. Comme expliqué dans la brochure Sexisme, média et société de Cécile Goffard, « des concepts comme les stéréotypes ou le patriarcat sont expliqués dans certaines rubriques mais restent abstraits. Ils ne sont pas mis en lien avec les violences répertoriées dans les faits divers qui apparaissent alors comme des actes arbitraires, de malheureux événements commis par des déséquilibrés. » Elle poursuit en expliquant qu’il est important de les resituer pour mieux les visualiser et les situer de manière globale car « cela rendrait visible le continuum des violences faites aux femmes. »

Plutôt que de raconter ces drames de manière isolée, il est nécessaire de les mettre en contexte afin d’arrêter de les minimiser. Rappelons que selon un sondage d’Amnesty International et de SOS viol (2020), près d’un·e Belge sur deux a déjà été exposé·e à au moins une forme de violence sexuelle. Cette affirmation seule indique déjà qu’il s’agit donc d’un fait de société et non d’un cas isolé.

Amour et meurtre: incompatibles

Évidemment, vous avez sans doute déjà lu des phrases comme « il l’a tuée par amour » et « crime passionnel ». L’amour et le meurtre sont incompatibles. On ne tue pas par amour. Ça n’existe pas. Comme le répète Rose Lamy, « ces « drames familiaux » sont le fait d’hommes qui n’acceptent pas que leur compagne s’émancipe de leur autorité et s’en prennent à elle, à leurs enfants ou à son nouveau compagnon dans un projet de destruction bien souvent narcissique. » Il n’est pas question d’amour, mais d’égo. Dans ce cas, il est nécessaire d’utiliser le mot « féminicide » pour situer l’ampleur de ce triste fait de société.

L’amour et le meurtre sont incompatibles. On ne tue pas par amour. Ça n’existe pas.

Ces expressions, utilisées à tout va, minimisent la situation, diminuent l’ampleur du problème et s’inscrivent dans la continuité de la culture du viol. Rose Lamy explique que, dans les médias, les euphémismes sont nombreux lorsqu’il s’agit d’agression sexuelle ou de viol. L’autrice prend l’exemple du terme « attouchement », mais nous pouvons également citer le terme « dérapage ». Ces expressions sont dans la même lignée. Toutes deux, elles atténuent la culpabilité de l’agresseur.

Concernant les méthodes utilisées dans les médias pour parler de violences sexuelles, on remarque également l’usage fréquent de la voix passive pour décrire ces agressions. Or, selon Rose Lamy, l’usage de la voix active permettrait de « mettre en lumière » la responsabilité sur les auteurs des violences.


Oui la culture de viol et très ancrée, oui il sera difficile de passer à la situation opposée MAIS je suis persuadée que les choses peuvent changer. Je pense tout de même que, grâce aux associations et aux médias féministes, une amélioration se fait tout doucement ressentir. Le changement radical passe par de nombreuses techniques que nous, ainsi que les médias, pouvons mettre en place au quotidien afin de repositionner les violences sexuelles dans la case société et de permettre à la population de mesurer l’ampleur du problème.

Notamment:

  • utiliser les mots justes,
  • décrire qu’il s’agit d’un fait de société,
  • donner des chiffres et des statistiques,
  • utiliser la voix active… 

Si tout le monde s’y met, peut-être verrons-nous enfin un changement sur le traitement médiatique et populaire de ces agressions. Ça peut commencer par nos mots.


Rendez-vous mardi prochain, 8h ❤️

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